Glass Marcano, un conte de fées moderne de la musique classique

Glass Marcano, la jeune cheffe d'orchestre vénézuélienne révélation de La Maestra
Glass Marcano, la jeune cheffe d'orchestre vénézuélienne révélation de La Maestra
Glass Marcano, la jeune cheffe vénézuélienne qui va dynamiter la musique classique - Culture Prime
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Glass Marcano, un conte de fées moderne de la musique classique

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Cette jeune cheffe vénézuélienne a fait sensation lors du concours de cheffe d’orchestre La Maestra en septembre dernier. Déterminée, charismatique, passionnée, elle a fait se briser en éclat les barrières culturelles, sociales et linguistiques. Portrait vidéo.

En très peu de temps, sa vie a changé du tout au tout. Au Venezuela, Glass Marcano jonglait entre des études de droit, des cours du soir pour devenir cheffe d’orchestre et un travail en tant que vendeuse de fruits dans la boutique familiale. Deux jours plus tard, la voilà sur la scène de la Philharmonie en train de diriger le Paris Mozart Orchestra de Claire Gibault. 

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Une volonté de fer

De la détermination, Glass Marcano (GladysMarli Vadel de Marcano sur l’état civil) en a à revendre. En décidant de postuler au concours La Maestra, réservé aux femmes cheffes d’orchestre, elle ne mesure pas encore l'épreuve que cela va être pour elle. Première difficulté : les frais d’inscription de 150 euros. Depuis la crise financière , le salaire moyen au Venezuela est de 2,5 dollars et Glass Marcano n’a pas les ressources financières suffisantes. Peu importe, elle met en place une cagnotte et sollicite son réseau pour l’alimenter. Pour pouvoir postuler, elle doit également envoyer une vidéo où elle dirige un orchestre. Glass Marcano sollicite ses professeurs de musique et ceux-ci l’aident à réaliser cette vidéo. 

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Se dresse alors un autre obstacle : comment envoyer cette vidéo alors que le débit internet est extrêmement faible au Venezuela ? « J’ai eu l’impression que l’univers entier conspirait pour que je ne puisse pas participer à ce concours » se souvient la jeune cheffe d’orchestre. Après plusieurs tentatives, elle finit par y arriver.  Enfin, une semaine avant la fin du concours, Glass Marcano se rend compte qu’elle n’a réussi à réunir que 80 euros avec sa cagnotte. Désespérée, elle contacte les organisateurs du concours qui lui proposent d’avancer l’argent pour qu’elle puisse participer. A cela s’ajoute la crise sanitaire due au coronavirus : devant se dérouler en mars 2020, le concours La Maestra est annulé. 

Mais heureux rebondissement : finalement, il est reporté en septembre et Glass Marcano fait partie des candidates sélectionnées : « Q_uand j’ai reçu le courrier, je ne comprenais pas ce qu’il y avait écrit, ne parlant ni français ni anglais. Mais j’ai vu le mot ‘Félicitations’ et j’ai compris,_ […] ça a été l’un des meilleurs moments de ma vie ». 

Dernier obstacle à la venue de Glass Marcano à Paris : du fait de la crise sanitaire, le trafic aérien est arrêté. 

« On a vu que de sa part il y avait une volonté incroyable de venir à Paris et de trouver par tous les moyens possibles une manière de s'inscrire. Et c'était très, très, très émouvant. » - Emmanuel Hondré, directeur des concerts de la Philharmonie

Les organisateurs du concours se démènent alors et sollicitent le Ministère des Affaires Etrangères et l’Ambassade de France à Caracas. Ainsi, Glass Marcano embarque dans un vol humanitaire jusqu’à Madrid puis prend un autre avion jusqu’à Paris. « Pour une jeune fille de 24 ans ne parlant qu'espagnol, n'étant jamais sortie du Venezuela, il fallait avoir un vrai tempérament » conclut Claire Gibault, cheffe d’orchestre et co-directrice de La Maestra. 

Reportage
5 min

« Comme un diable sortant de sa boîte… »

Quand Glass Marcano se présente pour les éliminatoires de La Maestra à la Philharmonie, elle n’a pas presque dormi depuis 48 heures, depuis son départ de Caracas. 

Ne parlant ni anglais, ni français, elle est inquiète et se demande comment elle va arriver à communiquer avec les musiciens du Paris Mozart Orchestra

Et pourtant… Elle monte sur scène, s’empare de la baguette, et époustoufle jury et public. Claire Gibault n’en revient toujours pas : « Quel don, quel talent ! A 24 ans, se donner de cette façon avec un orchestre qu'elle ne connaissait pas... Quand on voit les premières vidéos de Gustavo Dudamel, lui aussi issu d’El Sistema, il dirigeait comme un diable sortant de sa boîte au début ». 

En effet, Glass Marcano doit sa formation musicale à El Sistema, un programme d’éducation musicale initié par José Antonio Abreu au Venezuela. Cette méthode d’apprentissage est ouverte à tous, dès l’âge de deux ans, et de certains musiciens issus de cette formation, à l'instar de Gustavo Dudamel, développent une carrière internationale. 

Sur scène, Glass Marcano saute, jubile, communique et blague avec l’orchestre sans pourtant parler la même langue : « Elle parle musique ! Dans le sens où elle ne parle pas français ni anglais. Elle s'exprime, elle chante, elle fait des gestes...Ça marche, c'est incroyable, mais elle s'en sort finalement avec uniquement la musique pour pouvoir communiquer avec l'orchestre » décrit Emmanuel Hondré. 

Si la jeune cheffe vénézuélienne ne remporte pas le concours, elle décroche le Prix de l’Orchestre décerné par le Paris Mozart Orchestra, conquis et touché par la prestation de Glass Marcano. 

Et après ? 

« Lors du concours », souligne Emmanuel Hondré, « il est apparu très clairement que Glass avait des besoins de formation et donc d'étudier dans un conservatoire où techniquement, les choses sont plus abouties. ». Tout s'enchaîne très rapidement : non seulement elle intègre le Conservatoire régional de Paris, mais de nombreux chefs, musiciens ou affiliés au concours se mobilisent pour aider Glass : « Il y a eu une sorte d'élan de solidarité que les musiciens ont senti très vite devoir faire vis à vis d'une personnalité aussi étonnante » raconte le directeur des concerts de la Philharmonie, Emmanuel Hondré. 

La cheffe d’orchestre Marin Alsop lui propose une masterclass en visio-conférence, le chef Maxime Pascal lui propose de l’assister sur certains concerts, elle va travailler pour l’orchestre Demos à la Philharmonie et va assister Claire Gibault avec un objectif très motivant pour septembre prochain. En effet, la jeune cheffe vénézuélienne va partager l’affiche avec la co-directrice du concours La Maestra : « Elle est faite pour ça. Elle le veut, donc il faut la guider maintenant. Et il faut l'aider à se réaliser pleinement. » 

Glass Marcano a donc une année devant elle pour parfaire sa formation et débuter sa carrière. Elle a déjà en tête une ligne directrice : « Le rôle d’un chef d’orchestre, c’est de diriger un groupe de personnes musicalement et spirituellement. Je me souviens d’une phrase que mon chef m’a dit : ‘tu es un bon chef lorsque tu inspires l’orchestre’. »

Cette trajectoire incroyable s’inscrit parfaitement dans l’esprit du concours La Maestra : « Cela a été un concours qui cherchait un esprit plus solidaire, plus ouvert, avec moins l'idée d'éliminer que de créer une forme de solidarité » souligne Emmanuel Hondré. « Grâce à cette initiative, nous abordions un sujet de société qui était beaucoup plus large que la musique classique, c'est à dire la place de la femme dans les situations de leadership, de partage et d'initiative, de pouvoir et de destin commun. » 

Les organisateurs sont déjà en train de préparer la prochaine édition du concours La Maestra qui aura lieu en mars 2022 : « On a tiré des leçons du premier concours. On espère qu'il se passera dans un moment plus calme sur le plan international. » 

L'invité du jour
30 min

Un concours de chefs d’orchestre à destination des femmes

Face au manque de représentation des femmes dans la direction orchestrale, Claire Gibault a proposé ce concours : « Avec Laurent Bayle et Emmanuel Hondré [respectivement directeur et directeur des concerts de la Philharmonie], nous avons constaté que les femmes étaient peu programmées à la direction d'orchestre dans les grandes institutions musicales françaises particulièrement, mais aussi européennes et mondiales. » En effet, seuls 4,6% des chefs d’orchestre sont des femmes dans le monde. « Même si la situation évolue de façon positive, on a voulu accélérer la présence des femmes dans le monde musical » précise la cheffe d’orchestre. 220 candidates ont postulé, 12 ont été sélectionnées. L’action initiée par le concours se poursuit avec la mise en place d’une académie sur une durée de deux ans, composée de masterclass, de mentoring, de rencontres avec les acteurs incontournables du secteur.

En savoir plus : 

Traduction de Glass Marcano : Romain Fievet

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