Vaslav Nijinski, la légende à l’origine de la danse moderne
Par Antoine BetilloulouxVisionnaire, Vaslav Nijinski éclaire la danse par une carrière fulgurante. Étoile à la virtuosité saisissante, chorégraphe à scandales, il bouleverse son époque et l’amène vers la modernité. Ses idées révolutionnaires déchaînent les passions et témoignent d’un génie (trop) en avance sur son temps.
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Il volait littéralement ! Tout cela dépasse clairement l’humainement possible.
L’oiseau Nijinski, rbth.com, 28 février 2014
Le mythe Nijinski réside entre autres dans l’absence de traces de ses mouvements. Impossible aujourd’hui d’apprécier concrètement sa virtuosité légendaire, aucune captation n’ayant été faite de son vivant.
Seules des photographies figent le danseur, attestant de sa grâce et de sa sensualité. L’étoile reprend vie à travers des témoignages, on le rapporte comme un danseur hors-pair. Les récits racontent ses sauts éblouissants, par lesquels il semble s’astreindre de la gravité.
Nijinski vole au-dessus de toute la largeur de la scène avec un grand assemblé entrechat-dix (…) il semble rester encore deux à trois secondes suspendu en l’air (…) il vole en diagonale sur toute la scène (…) il se catapulte vers les hauteurs avec un sissonne soubresaut, le corps arqué en arrière, planant dans les airs
Tamara Karsavina, Theater Street, Dance Books, Londres 1981
Danseur déjà, Nijinski affirme sa singularité. Ses rôles androgynes et sexualisés choquent. S’affranchissant des codes imposés par son genre, il offre une nouvelle dimension au corps masculin.
Chorégraphe révolutionnaire
Dès 1912, Nijinski devient chorégraphe. Sa première mise en scène, L’Après-midi d’un faune est un ballet en un acte, sur la musique du Prélude à l'après-midi d’un faune, composée par Debussy. Grâce à son système de notation, ce ballet est le premier du XXe siècle entièrement noté. La chorégraphie est révolutionnaire, (trop) osée pour l’époque : l’une des scènes suggère un orgasme.
En 1913, il se consacre à la création du Sacre du printemps L’oeuvre est brutale, à l’encontre des représentations traditionnelles.
Les danseurs sont courbés, de profil, pieds en dedans. Sa représentation au Théâtre des Champs Elysées provoque un tollé général. Le public s’indigne, hue, si bien qu’il devient impossible d’entendre l’orchestre jouer. Même Stravinsky, à l'origine de la musique du ballet, s’indigne.
[J'ai] quitté la salle dès les premières mesures du prélude, qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J'en fus révolté. Ces manifestations, d'abord isolées, devinrent bientôt générales et, provoquant d'autre part des contre-manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable.
Pourtant, le succès est posthume. Derrière ce scandale se cache une naissance, celle de la danse moderne.
Un écrivain illuminé
En 1919, il se marie avec l’aristocrate Hongroise Romola de Pulszky. Cela provoque la colère de Diaghilev qui le congédie. Sa santé mentale est fragile, il arrête la danse.
Coupé de la danse, Nijinski sombre peu à peu dans la folie. Alors qu’il se fragilise émotionnellement, il se lance dans la rédaction de ses cahiers, alternant incohérences et éclairs de génie.
Je sens que la Terre étouffe, c'est pourquoi je prie tout le monde d'abandonner les usines et de m'écouter. Je sais ce qu'il faut pour sauver la Terre. Je sais chauffer un poêle, c'est pourquoi je saurai réchauffer la Terre.
Il souffre d'hallucinations, en mars 1919, il est diagnostiqué schizophrène.
Références