Daniel Barenboim : podcasts et actualités

Daniel Barenboim

Chef d’orchestre et pianiste argentin et israélien
Pianiste et chef d’orchestre, Daniel Barenboim est l'une des plus grandes figures de la musique de notre temps. Ambassadeur pour la paix de l’ONU, citoyen du monde aux quatre nationalités, il est ardent défenseur du dialogue entre les peuples et grand vulgarisateur de la musique classique.
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Crédit photo : Daniel Barenboim © Getty - Roland Popp/picture alliance
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Daniel Barenboim Chef d’orchestre et pianiste argentin et israélien

Daniel Barenboim est « un phénomène. Il est difficile d'imaginer qu'un musicien rassemble autant de dons, » selon les mots du chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler. « il est plus facile d'énumérer ce qu'il ne joue pas et ce qu'il ne dirige pas. » Erudit, polyglotte, auteur de plusieurs ouvrages sur la musique et sur sa vie, lui se dit simplement musicien.

Un musicien à une carrière d’interprète impressionnante et discontinue depuis son plus jeune âge, partagée entre les récitals de piano, la musique de chambre et la carrière de chef d’orchestre lyrique et symphonique. Directeur général musical du Staatsoper de Berlin depuis les années 1992, directeur musical à vie de son orchestre, la Staatskapelle Berlin, premier chef honoraire du Philharmonique de Berlin, il travaille régulièrement avec le Philharmonique de Vienne et assure la direction artistique de la Pierre Boulez Saal qui accueillit l’Academie Barenboim-Said, et de l'Ensemble Boulez. Cofondateur du West-Eastern Divan Orchestra avec l’intellectuel palestinien aujourd’hui disparu Edward Saïd, il assure sa direction artistique à la tête de cette ensemble unique qu'il a mené sur les scènes les plus prestigieuses du monde entier.

« Chaque fois qu'on sonnait à la porte, c'était un élève de mes parents ; je croyais que tout le monde étudiait le piano », disait-il au micro de Lionel Esparza en 2016. Né dans une famille de professeurs de piano d’origine juive ukrainienne à Buenos Aires en 1942, Daniel Barenboim assistait dès son plus jeune âge un peu malgré lui aux cours que donnaient ses parents au domicile familial. Quand a-t-il joué du piano pour la première fois ? Il ne s’en souvient pas, a-t-il raconté, « C’était aussi naturel que marcher, s’assoir, boire et manger. »

C’est sa mère qui initie le garçon à l’instrument de prédilection de la famille, avant de passer la main à son père, qui restera son professeur jusqu’à l’âge de 22 ans. Un homme strict et systématique, qui éveille le garçon à l’amour de sculpter le son avec ses mains, mais qui lui inculque aussi un sens aigu de la discipline, « une condition indispensable pour le plaisir ». Les pianistes Claudio Arrau ou Arthur Rubinstein, pour lesquels il a joué à de nombreuses reprises dès l’adolescence, Gieseking ou Yves Natt qu'il a rencontrés à Paris lors de ses premiers concerts, ou encore Edwin Fischer, dont il admirait « la sonorité, la recherche permanente de la simplicité », ont fructifié son parcours exceptionnel.

Un parcours qui commence dès l’âge de 7 ans, lorsque Daniel Barenboim donne son premier récital à Buenos Aires. Ce sera Mozart, qui restera son compositeur fétiche : le Don Giovanni est son premier souvenir d’opéra et  le premier concerto qu'il a interprété sur scène fut de la plume du grand compositeur. Sa carrière d’enfant prodige est aussi précoce que fulgurante : après ses premiers concerts en Argentine, la famille voyage en Europe et s'installe en Israël, et le jeune pianiste enchaine les débuts sur les prestigieuses scènes du vieux continent : Salzbourg, Vienne ou Paris l’accueillent les bras ouverts et le jeune pianiste y croise des personnalités qui seront déterminantes pour son parcours de musicien, notamment Wilhelm Furtwängler ou Igor Markevitch, dont Daniel Barenboim deviendra le plus jeune élève en direction d'orchestre à seulement 11 ans. C’est Igor Markevitch aussi qui le présentera à Nadia Boulanger lors de ses débuts à Paris. Il étudiera l’harmonie et la composition auprès de Mademoiselle, « dure, mais généreuse », pendant un an et demi, à titre gracieux, et il en gardera les principes d’interprétation essentiels auxquels il pense presque quotidiennement, avait-il l'habitude de souligner.

Sa formation accomplie, le pianiste embrasse une carrière devenue internationale : à New York, Manchester, Londres, Tel Aviv ou Berlin, il sera dirigé par André Cluytens, Leopold Stokowski, Dimitri Mitropoulos, Josef Krips, Sir John Barbirolli, Otto Klemperer, ou encore Pierre Boulez ou Zubin Mehta, et accompagné par des phalanges de choix : le Philharmonique de New York, l’Orchestre Hallé, le Philharmonique de Berlin, ou le New Philarmonia Orchestra, avec lesquels il réalisera ses premiers enregistrements, les concertos de Beethoven sous la direction d’Otto Klemperer. C’est aussi à cette période, à seulement 18 ans, qu’il joue sa première intégrale des Sonates de Beethoven, cycle qui l’accompagnera par la suite tout au long de sa carrière.

Pendant qu’il se fait diriger par les plus grands chefs, Daniel Barenboim n’en perd pas une miette, et notamment en observant Sir John Barbirolli, son grand modèle en direction d’orchestre. La phrase prononcée par le maître à ses parents « Votre fils est un chef d’orchestre-né » s’avère prophétique : le jeune homme est aussi doué à la baguette qu’au clavier, ce qu’il prouve dès sa première apparition au pupitre avec l’Orchestre symphonique d’Israël, avec comme soliste, un certain Arthur Rubinstein. Désormais, les deux facettes de sa carrière sont intrinsèquement liées. « Pour moi, c’est le même métier, dira-t-il dans une interview. En tant que chef, je suis impuissant face aux musiciens, mais cela m’a permis de mieux m’écouter moi-même pour mon travail de pianiste. L’instrument m’a apporté le contact physique avec le son. Si je devais choisir, je ne quitterai jamais le piano. Le plaisir sensuel de créer le son est peut-être la joie la plus grande qu’un musicien peut avoir. »

Daniel Barenboim fait ses premières armes à la tête de l’English Chamber Orchestra à Londres, formation qu’il dirigera jusqu’en 1973 et qu’il mènera à travers l’Europe, et plus tard aux Etats Unis, en Australie, en Inde et au Japon. Il enregistre notamment l'intégrale des concertos de Mozart qui devient une référence. Préférant un travail de longue haleine à la tête d’une formation, il sera notamment pendant 15 ans le directeur musical de l’Orchestre de Paris (1975 à 1989), de l’Orchestre symphonique de Chicago (1991), dont il est nommé le chef honoraire à vie en 2006, mais il nouera aussi des liens étroits en tant que chef invité avec le Philharmonique de Berlin et de Londres.

Il dirige avec brio le répertoire symphonique classique et romantique, de Mozart, Haydn et Beethoven à Schumann, Brahms et Bruckner, mais il tient à ouvrir ses formations à de nouveaux horizons : des « classiques » du XXe siècle - Chostakovitch , Stravinsky , Schoenberg ou Bartók côtoieront dans ses programmations les créations de Berio, Carter, Henze, et bien sûr, son ami Boulez, Dutilleux ou Toru Takemitsou.

Si, selon ses propres termes, il arrive à la direction d’opéra « très tard »- il débute au Festival d’Édimbourg à 30 ans dans le Don Giovanni , c’est parce que, selon Daniel Barenboim, l’opéra, c’est quelque chose d’impossible :« comment voulez-vous avoir un accord total à tous les niveaux : un chef, des chanteurs, un orchestre, les costumes, les décors, la lumière… C’est très rare, mais quand ça arrive, c’est un moment unique. »

Il en connaîtra, de ces moments de grâce, notamment à Bayreuth où il dirigera pas moins de 161 représentation dont Parsifal (1987), le Ring dans la production de Harry Kupfer ( 1988 à 1992), ou Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg mis en scène par le descendant du compositeur, Wolfgang Wagner, en 1996. Sur les scènes lyriques comme symphoniques, Daniel Barenboim s’emploie à bouger les lignes : d’abord pressenti et ensuite évincé de l’Opéra de Paris pour des raisons politiques, il donnera libre cours à ses projets novateurs en tant que directeur musical général du Staatsoper unter den Linden de Berlin (1992) et le chef principal à vie de son orchestre, la Staatskapelle, à vie, en 2000. Il y dirigera un répertoire vaste : Wozzeck, Elektra, Doktor Faust ou La flûte enchantée, y côtoieront les créations de Carter ou de Birtwistle. Principal chef invité dès 2006 et le directeur musical en 2011à la Scala de Milan, son mandat restera dans les mémoires notamment grâce à une programmation Wagner, dont le Ring mis en scène par Guy Cassiers ou Tristan et Isolde mis en scène par son ami Patrice Chéreau.

Passé maître de l’art total, Daniel Barenboim n’est pas moins un chambriste hors pair. Pendant ses années londoniennes déjà, il a formé un groupe soudé et complice avec les violonistes Pinchas Zukerman et Itzhak Perlman, et sa première épouse, la violoncelliste Jacqueline du Pré, victime d’une sclérose en plaque et prématurément disparue. Un enregistrement du quintette La Truite sur DVD témoigne d’ailleurs de cette complicité rare entre jeunes musiciens ; on y voit à leurs côtés également un certain Zubin Mehta à la contrebasse. Parmi ses autres partenaires de prédilection, Janet Baker, Jessie Norman, mais surtout Dietrich Fischer-Dieskau, avec qui il a donné un Winerreise mémorable et gravé en particulier des lieder de Mozart ou des intégrales de Brahms ou d'Hugo Wolf, ou encore la pianiste Martha Argerich, une amie qu’il a rencontrée adolescent et qui était « la personne qu’il connaissait le plus longtemps du monde. » Une passion qu’il a transmise à son fils, le violoniste Michael Barenboim, avec lequel il s’est souvent produit en trio.

Son répertoire immense compte plusieurs gravures de référence : des œuvres de Bach au tango argentin au clavier, en passant par des concertos de Mozart, des intégrales des sonates, des symphonies et de concertos de Beethoven, jusqu’aux œuvres de Boulez and Carter, sans oublier ses collaborations mémorables avec Dietrich Fischer-Dieskau, Christa Ludwig, Pinchas Zukerman, Itzhak Perlman ou Jessye Norman.

Témoin engagé d’un siècle en mouvement, c’est à la baguette que Daniel Barenboim n’a eu de cesse de promouvoir le dialogue entre les peuples. Pas en tant que musicien, mais en tant que simple citoyen : « La musique est inséparable de la vie, et donc de la politique ».Que ce soit ce 12 novembre 1989 à Berlin, trois jours après la chute du mur, pour ce concert historique à la tête du Philharmonique de Berlin que les musiciens de l’orchestre ont souhaité dédier aux citoyens de l’Allemagne de l’ouest, ou encore lorsqu’il dirige la même formation à Tel Aviv en 1990, une première pour un orchestre allemand en Israël. Mais son projet phare reste le West-Eastern Divan Orchestra, une rencontre musicale, intellectuelle et humaine entre les musiciens israéliens et palestiniens initiée avec l’intellectuel palestinien Edward W. Said, qui va permettre depuis 1999 chaque année aux jeunes musiciens de la région du Proche et du Moyen - Orient de vivre une expérience d’orchestre, mais surtout de dialoguer grâce à la musique :

« Ils sont tous d’accord sur la musique, sur comment on veut la jouer. Ils ne sont pas d’accord sur la politique, mais ils sont d’accord sur le fait que la politique telle qu’elle est pratiquée par les différents gouvernements du Moyen Orient est fausse. », a-t-il raconté à France Musique en 2016. Le Divan a donné un concert sans précédent à Ramallah, en 2005 et a depuis tourné dans le monde entier. Il s’est entre autres produit aux Emirats Arabes Unis en 2014, mais il remplira sa mission lorsqu’il pourra se produire dans tous les pays de la région, selon le maestro. Si le chemin est encore long, le Divan a apporté sa pierre à l’édifice :

« Chaque personne passé par le Divan, pense différemment qu’avant. Quand on se retrouve au même pupitre avec « l’ennemi » en essayant d’accorder le la, de jouer le même coup d’archet, de jouer la même phrase de la même façon de jouer la même dynamique, quand vous faites ça pendant sept heures et après vous allez diner, ce n’est plus le même monstre que c’était hier. A travers l’activité musicale commune, les musiciens de cet ensemble ont appris à respecter l'autre, avoir la curiosité de l'autre et combattre l’ignorance. »

Depuis 2017, le Divan s’est accueilli dans la Pierre Boulez Saal, à Berlin, centre d’éducation à travers la musique au sein de l’Académie Barenboim-Said, qui dispense aux jeunes musiciens du Moyen Orient une éducation musicale et humaniste. Une éducation par et non à la musique, car *« la musique nous donne la possibilité de comprendre, de sentir beaucoup de choses, qui ne sont pas possibles sans elle, »*a-t-il affirmé dans une interview.

Suzana Kubik

Daniel Barenboim en six dates

1975-1989  : directeur musical de l’Orchestre de Paris

1988  : nouvelle production du Ring de Wagner à Bayreuth

1991-2006  : directeur musical de l’Orchestre symphonique de Chicago

1999  : Daniel Barenboim fonde le West-Eastern Divan Orchestra

2006  : prix Ernst von Siemens

2011  : directeur musical de la Scala de Milan

Daniel Barenboim en six enregistrements

1990  : Sonates pour violoncelle  de Brahms, avec Jacqueline du Pré

1993  : Concertos pour piano  de Mozart, avec l’English Chamber Orchestra

1997  : Sonates pour piano  de Beethoven

2010  : *Lieder * d’Hugo Wolf, avec Dietrich Fischer-Dieskau

2011  : Les dix symphonies de Bruckner, avec l’Orchestre symphonique de Chicago

2013  : Les neuf symphonies de Beethoven, avec le West-Eastern Divan Orchestra (BBC Proms 2012) [DVD]

Crédit photo : Daniel Barenboim © Getty - Roland Popp/picture alliance