Derrière le mythe du génie et du compositeur surdoué, il est temps de découvrir un tout autre visage du plus célèbre des compositeurs, Wolfgang Amadeus Mozart.
Qui ne connaît pas Wolfgang Amadeus Mozart, compositeur de la Petite Musique de Nuit, des Noces de Figaro et de la Flûte Enchantée ? Son nom est aujourd’hui tellement mythique, tellement célèbre, que son personnage en est parfois réduit, lui, à une caricature.
On imagine un Mozart petit génie, acclamé à tout rompre par le public viennois du XVIIIe siècle. On se figure Mozart sous les traits et les expressions excentriques de Tom Hulce, l’acteur choisi par Miloš Forman pour incarner le compositeur dans le film Amadeus.
Toutes ces idées ne sont pas fausses, au contraire, mais elles ne représentent qu’une infime partie de la personnalité du compositeur qui, au-delà des apparences et du romanesque, se révèle complexe et nuancé, à l’image de son oeuvre.
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Mozart travailleur acharné
L’oeuvre de Mozart est immense : 41 symphonies, 22 opéras, 18 messes… le tout en seulement 35 ans d’existence. Il faut dire qu’il s’est mis tôt à l’oeuvre : à 6 ans, Mozart compose son premier menuet. Cinq printemps plus tard, à 11 ans seulement, il achève son tout premier opéra, Apollo et Hyacinthus. Or passé le temps de l’enfance prodige, Mozart se retrouve finalement à l’égal des autres compositeurs, musicien (presque) comme les autres. Il n’est d’ailleurs pas plus populaire ou sollicité que son contemporain Joseph Haydn.
Mozart a étudié avec sérieux et passion les différentes techniques de composition de ses prédécesseurs et contemporains ; l’art du contrepoint allemand ou l’ornementation vocale italienne. Et s’il fait preuve d’incontestables facilités à composer, d’un sens inné de la mélodie et de l’orchestration, il n’en est pas moins un travailleur acharné, qui n’hésite pas à revoir ses partitions, voire à les réocherchestrer.
Cette activité de compositeur ne suffit d’ailleurs pas à Mozart pour subvenir aux besoins de sa famille. Parce qu’il a une femme et des enfants à nourrir, et aussi parce qu’il a la dépense facile, Mozart se voit contraint d’enseigner, une activité qu’il n’apprécie guère, ou de répondre à des commandes qui ne l’inspirent que très peu, par seul souci financier.
Mozart, musicien précaire
Certes, Mozart remporte de grands succès et ses talents de compositeur sont largement reconnus, mais son oeuvre n’aura jamais été plus célébrée qu’après sa mort. Même ses grands opéras - aujourd’hui acclamés - se sont heurtés aux goûts ainsi qu’à la critique de l’époque : « Trop de notes » dans L’Enlèvement au Sérail pour le souverain Joseph II, sujet trop sulfureux des Noces de Figaro pour l’aristocratie viennoise, et un Cosi Fan Tutte dont le succès a vite été occulté par le décès de l’empereur…
L’avenir de Mozart n’est donc jamais totalement assuré, d’autant qu’il n’a pas choisi la voie la plus facile. Alors que la majorité de ses contemporains sont membres de la cour d’un grand seigneur, assujettis à leur bon vouloir, Mozart, lui, claque la porte au nez de Colloredo, prince-archevêque de Salzbourg, pour se mettre à son compte. Une situation inédite pour un musicien du XVIIIe siècle, dont Mozart aura à assumer toute la responsabilité, y compris celle de la précarité.
D’ailleurs, on appelle « 14 juillet des musiciens » le jour où Mozart a claqué la porte au nez du prince-archevêque Colloredo, le 9 mai 1781, quittant ses fonctions de musicien de la cour pour un statut indépendant. « Quand bien même je devrais mendier, je ne voudrais plus d’aucune manière servir un tel maître », écrit-il à son père.
Mozart angoissé
« Je suis un homme vulgaire », fait dire le réalisateur Miloš Forman au personnage Mozart dans son film Amadeus. En effet, la correspondance retrouvée du compositeur a révélé son caractère franchement potache.
« Je suis un homme vulgaire, mais je vous assure que ma musique ne l’est pas » : il fallait compléter la citation du film Amadeus pour rendre justice à la démarche de son réalisateur, qui a consciemment choisi de ne mettre en scène qu’un certain aspect de Mozart, et ce, à des fins narratives.
L’oeuvre de Mozart est loin d’être vulgaire de même que le caractère du compositeur est à nuancer. Mozart n’est jamais tranquille, il éprouve l’éternelle sensation d’un vide à combler, d’une tâche à effectuer avant l’inéluctable fin de son existence. En 1791, par exemple, il écrit à sa femme Constance :
« Je ne puis t’expliquer mon impression : c’est une espèce de vide… qui me fait très mal... , une certaine aspiration, qui n’est jamais satisfaite et ne cesse donc jamais, qui dure toujours et même croît de jour en jour… »
C’est notamment pour apaiser ses angoisses et partager ses interrogations que Mozart s’intéresse à la franc-maçonnerie. Il rejoint la loge maçonnique de Vienne le 14 décembre 1784, et deviendra un franc-maçon particulièrement impliqué, consciencieux. Car au sein de la franc-maçonnerie, Mozart se découvre des soutiens, des ‘frères’, de même qu’il peut échanger sur les nouvelles aspirations de son siècle, prendre part à l’évolution de la société autrichienne.
Mozart pas si classique
Avec Haydn et Beethoven, Mozart est aujourd’hui considéré comme un des principaux représentants du classicisme viennois. Au sens musicologique du terme, il est donc bel et bien un compositeur classique : ses oeuvres obéissent à des formes claires, structurées et normées, telles que la forme sonate à 3 mouvements (avec exposition, développement et réexposition du thème musical).
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Si les formes musicales qu’utilisent Mozart sont bien définies, attendues, sa musique n’en est pas moins riche en subtilités. De même que les personnages qu’il met en scène et en musique dans ses opéras échappent totalement aux caricatures : un Osmin comique sans être simple bouffon dans L’Enlèvement au Sérail, une Donna Elvira trahie mais sincèrement éprise du séducteur Don Giovanni, une servante Despina dévouée mais joueuse dans Cosi Fan Tutte… La psychologie des personnages de Mozart est à l’image du compositeur : bien dessinée, mais riches en nuances.
« Je ne peux écrire poétiquement, je ne suis pas poète. Je ne saurais manier les formules assez artistiquement pour qu'elles fassent jouer les ombres et les lumières, je ne suis pas peintre. [...] Mais je le peux grâce aux sons, je suis Musikus.»*
*Lettre de Mozart à son père le 8 novembre 1777.