Quelle est la meilleure version du Concerto pour deux pianos de Francis Poulenc ?
Jany Campello, Aurélie Moreau et Christian Merlin élisent la version de référence du Concerto pour deux pianos de Francis Poulenc.
(ré)écouter l'émission : La Tribune des critiques de disques du 21 mai 2017
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Compte rendu
Peut-on faire plus rapide, plus précipité que les sœurs Labèque, embarquées dans un galop sans queue ni tête avec la bénédiction du chef ( Seiji Ozawa) ? Tout le monde s’essouffle dans ce Poulenc d’esbroufe : ça tangue, ça vrille, ça pèse et ça pose et… ça vous donne le mal de mer.
Ne pas confondre percussif et agressif : c’est le piège dans lequel tombent l’Orchestre de Rotterdam et James Conlon, en dépit de deux pianistes solides, Duchâble et Collard. L’Allegro initial est droit, un peu martelé, tandis que le Larghetto, flanqué de violons râpeux, ne s’abandonne pas beaucoup. Où donc est l’âme de ce voyou de Poulenc ?
Louis Lortie, Hélène Mercier et Edward Gardner sont d’admirables musiciens : de beaux phrasés, une parure élégante, une musicalité jamais prise en défaut, mais paradoxalement une précaution et une forme de timidité qui finissent par lisser et attiédir le Concerto, pour en livrer une lecture linéaire, métronomique, sage… frustrante.
Martha Argerich et son partenaire Alexander Gurning démarrent au quart de tour. Malgré un orchestre un peu faux, quelle jubilation dans le premier mouvement, rythmiquement percutant, avec ces accents tapageurs qui passent en revue Ravel et Rachmaninov avec une dinguerie assumée ! Mais alors, pourquoi tout cela se gâte-t-il dans le Larghetto, festival de mauvais goût, où tout est gros et surligné ? Le Finale, contresens total, ne rachète rien. Et dire que tout démarrait si bien...
Stéphane Denève, premier round. Avec les compères Braley et Le Sage, voici une version tonique, équilibrée, malicieuse, techniquement infaillible. L’esprit de Poulenc s’allume, à peine pourrait-on reprocher à ce ton incisif une certaine indifférence. Dessiné à la pointe sèche, le second mouvement chante, s’envole, mais un brin de charme en plus ne nuirait pas... Difficile quand même de résister au Finale !
La même chose, mais en mieux ! A nouveau grâce à Stéphane Denève, brillant, volubile, à la tête d’un orchestre qui surclasse tous les autres (le Concertgebouw) et relance en permanence le dialogue – un Larghetto voluptueux… cette trompette bouchée dans un Finale bien cochon, comme Poupoule aurait aimé ! Les frères Jussen animent un question/réponse jouissif : du chien, du charme, une joie à l’état brut, quelque chose d’étourdissant. Vous résistez à ce feu d’artifice, vous ?
Palmarès
N°1
Version E
Lucas et Arthur Jussen, Orchestre royal du concertgebouw d’Amsterdam, dir. Stéphane Denève (DG, 2016)
N°2
Version C
Frank Braley, Eric Le Sage, Orchestre philharmonique de Liège, dir. Stéphane Denève (RCA, 2003)
N°3
Version B
Martha Argerich, Alexander Gurning, Orchestre de la Suisse italienne, dir. Erasmo Capilla (DG, 2007)
N°4
Version D
Louis Lortie, Hélène Mercier, BBC Philharmonic, dir. Edward Gardner (Chandos, 2015)
N°5
Version A
François-René Duchâble, Jean-Philippe Collard, Orchestre philharmonique de Rotterdam, dir. James Conlon (Erato, 1984)
N°6
Version F
Katia et Marielle Labèque, Orchestre symphonique de Boston, dir. Seiji Ozawa (Philips, 1989)