Pourquoi les instruments s'accordent-ils sur le La ?

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Pourquoi les instruments s'accordent-ils sur le La ?

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Le La3 correspond à la deuxième corde à vide du violon
Le La3 correspond à la deuxième corde à vide du violon
© Getty

On a tant entendu et tant utilisé le « la du diapason » qu’on en croirait presque qu’il s'est imposé naturellement. Mais non, on l'utilise par convention.

Avant un concert, c’est toujours un la, ou plus exactement un la3 (celui inscrit entre la deuxième et la troisième ligne de la portée) qui résonne dans la salle et nous signale d’interrompre nos conversations. Les instruments s’accordent. Le chef d’orchestre est sur le point de faire son entrée.

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La référence

Le la3 est la corde à vide qu’ont en commun le violon et l’alto. Or si ces instruments peuvent s’accorder rapidement, en quelques tours de chevilles, ils sont aussi particulièrement sensibles aux changements de température et nécessitent donc de fréquents réajustements. C'est donc le hautbois qui, plus long à accorder, donne le la aux instruments à cordes ainsi qu'aux autres pupitres.

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Et ce fameux la3 domine bien au-delà de la fosse d'orchestre : il est le diapason de la musique occidentale, soit la référence la plus couramment utilisée pour l'accord des instruments et des voix.

Le terme 'diapason' désigne également l'instrument en forme de fourche utilisé pour entendre la note de référence.
Le terme 'diapason' désigne également l'instrument en forme de fourche utilisé pour entendre la note de référence.
© Getty

De la physique dans la musique

Oui, mais à quelle fréquence doit-on régler ce fameux diapason ? Car si certains orchestres utilisent un la3 à 440 Hertz (soit 440 vibrations par seconde), d’autres, comme par exemple les ensembles de musique ancienne, utilisent un la à 415 Hertz.

Pourquoi un la 415 Hz pour la musique baroque ? Était-il en usage à l'époque ? La question est en fait anachronique puisque le concept même de fréquence n’a été découvert qu'au XVIIIe siècle. De même qu’avant 1930, on ne parlait pas de Hertz (Hz), mais de cycles par seconde.

L'ingénieur et physicien Heinrich Rudolf Hertz a découvert les ondes hertziennes au XIXe siècle.
L'ingénieur et physicien Heinrich Rudolf Hertz a découvert les ondes hertziennes au XIXe siècle.
© Getty

Chacun son La

Jusqu’au XIXe siècle, il n’existe pas de diapason (du moins au sens où on l’entend aujourd’hui, comme note fixe de référence). Les instruments s’accordent les uns par rapport aux autres. On se règle par exemple sur les flûtes, leur hauteur étant fixe, déterminée par leur fabrication.

Tout musicien est habitué à transposer, à s’adapter au contexte dans lequel il se produit. Le diapason varie ainsi selon les espaces géographiques mais aussi au sein d’un même lieu : le ‘ton de chapelle’ est par exemple plutôt bas, pour faciliter le chant, tandis que le ‘ton de chambre’ des orchestres sonne, lui, plus haut.

La clarinette en Sib est un instrument transpositeur. Lorsqu'elle joue un Do, on entend un Sib.
La clarinette en Sib est un instrument transpositeur. Lorsqu'elle joue un Do, on entend un Sib.
© Getty

Tous pour un diapason

La diversité des diapasons en usage pose problème aux musiciens voyageurs. Comment jouer à l’unisson avec des instruments d’autre fabrication ? Comment adapter l’oreille à un ton parfois très éloigné ? A mesure que s’intensifient les échanges entre musiciens, l’idée d’une plus grande uniformité gagne du terrain…

Elle finit par s’imposer au XIXe siècle, notamment du fait de la première révolution industrielle qui permet la production en série. On fabrique de plus en plus d’instruments et, de plus, on les exporte. On doit pouvoir utiliser une même flûte ou trompette à Berlin comme à Milan.

Fabrication d'un violon
Fabrication d'un violon
© Getty

Sauver les chanteurs

Aux XIXe siècle, des voix s’élèvent donc en faveur d’un diapason unique, et pas seulement celles des fabricants. Imaginez par exemple une soprano française invitée pour tenir le rôle de la Reine de la Nuit à Covent Garden, et découvrant que ses deux airs virtuoses y sont exécutés à partir d'un la plus haut que celui en vigueur à Paris… son fameux contre-fa pourrait être mis en péril.

Certains chanteurs et compositeurs rejoignent ainsi le mouvement favorable à une régularisation du la. C'est le cas de Verdi et de Berlioz. Ce dernier écrit notamment à un ministre qu’il est « persuadé avec raison que l’élévation progressive du diapason est une cause de ruine pour les plus belles voix ».

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Toujours plus haut

Car si les traités anciens et les études réalisées sur instruments d’époque ont montré que le la a pu atteindre 330 comme 560 Hertz entre le XVIe et XIXe siècle, il a bel et bien tendance à s’élever du temps de Verdi et de Berlioz.

Pourquoi ? En théorie, plus un instrument s’accorde sur un diapason élevé, plus il sonne brillamment. En pratique, l’élévation du la de référence correspond à l’introduction de cordes en acier, plus résistantes, tout comme à la nécessité pour les orchestres de s’adapter à des salles de plus en plus grandes.

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Le temps de la normalisation

Face à cette grande variété de diapasons, le gouvernement français réunit en 1858 une commission de physiciens et de musiciens, dont font partie Berlioz, Auber, Meyerbeer et Rossini. Après un an de travail et de recherches, le la3 est fixé, en France, à 435 Hz.

L’initiative inspire mais reste exclusive… C’est en 1939 que le fameux la 440 est déclaré référence internationale par un collège d’experts internationaux, à Londres. Il deviendra norme ISO et même recommandation européenne.

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Pourquoi 440 ? Certains diront que cela correspond à une moyenne européenne, d’autres qu’il a été adopté parce que les fabricants d’instruments exportent alors vers les Etats-Unis (où le diapason est élevé, notamment sous l’influence du jazz).

Reste que l'usage du la 440 n'est en rien obligatoire. Libre à chaque musicien, donc, de choisir son propre diapason !

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