Piotr Ilitch Tchaïkovski : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur

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Piotr Ilitch Tchaïkovski : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur

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Portrait de Piotr Ilitch Tchaïkovski vers 1893.
Portrait de Piotr Ilitch Tchaïkovski vers 1893.
© Getty - Peinture de Nikolaï Kouznetsov.

Mort mystérieuse, champignons et mariage raté. Ces 3 éléments se retrouvent dans la vie du compositeur russe Tchaïkovski. Un indice : ils n’ont aucun lien entre eux. Voici 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur de Casse-noisette ou encore du Lac des Cygnes.

Rongé par l’ambition et l’angoisse, torturé par des pensées douloureuses et contradictoires, Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840 - 1893) aurait tout à fait pu figurer parmi les personnage des romans de Tolstoï ou Dostoïevski. Aussi, pour bien appréhender le caractère et l’oeuvre du plus célèbre compositeur russe, 10 (petites) choses au moins nous sont nécessaires...

Le cueilleur de champignons

« Je suis russe, russe, russe jusqu’à la moelle des os », écrit Tchaïkovski à son frère Modeste. Comme tout bon habitant du pays des tsars, il part régulièrement se reposer dans une traditionnelle datcha ou entre les murs d’une confortable maison de campagne. Et là, au coeur de la nature, Tchaïkovski compose.

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De plus, comme beaucoup de ses concitoyens, le musicien développe une passion dévorante pour la cueillette des champignons. « L’instant où l’on aperçoit et où l’on cueille un beau cèpe bien charnu est délicieux » raconte-t-il avec émotion à Mme Von Meck, sa bienfaitrice, dans une lettre datée du 23 mai 1878. « Toute cette nuit, j’ai rêvé d’énormes champignons rouges. »

Le ramassage des champignons est un loisir très prisé par la population russe.
Le ramassage des champignons est un loisir très prisé par la population russe.
© Getty - Vladimir Smirnov

La déception du Lac des Cygnes

Le Lac des Cygnes est certainement l’oeuvre la plus célèbre de Tchaïkovski. Lorsqu’il accepte la commande du Bolchoï en 1875, il est tout aussi attiré par la rémunération proposée que par ce genre inédit pour lui, le ballet. Il s’attelle alors à l’écriture d’une grande oeuvre de type symphonique, sans consultation préalable avec le chorégraphe, Julius Reisinger.

Sa partition se révèle trop ambitieuse pour le Bolchoï d’alors : certaines parties sont coupées ou interverties, chose plutôt courante à l’époque. Si la Première n’est pas une catastrophe, l’accueil de la presse et du public est médiocre, loin de présager de la postérité de l’oeuvre.

Le "Lac des Cygnes" a été rendu mondialement célèbre par la chorégraphie de Marius Petipa, présentée pour la première fois en 1895, à Saint-Pétersbourg. Ici reprise au Royal Opera de Londres, en 2017.
Le "Lac des Cygnes" a été rendu mondialement célèbre par la chorégraphie de Marius Petipa, présentée pour la première fois en 1895, à Saint-Pétersbourg. Ici reprise au Royal Opera de Londres, en 2017.
© Getty - Robbie Jack

L’étrange générosité de Mme Von Meck

Nadejda Von Meck, veuve fortunée et mélomane, entretient financièrement Tchaïkovski durant près de quatorze ans, sans jamais le rencontrer. Leur relation est en effet strictement épistolaire et débute par une première lettre envoyée au compositeur, en 1876, dans laquelle Mme Von Meck confie son admiration : « Il me paraîtrait déplacé de vous dire l’émerveillement dans lequel me plongent vos œuvres. »

Tchaïkovski et sa bienfaitrice s'échangent plus de mille deux cent lettres, et le compositeur partage avec Mme Von Meck ses nombreux états d’âme, sans pour autant se confier au sujet de son homosexualité. Et c’est la découverte de ce penchant qui aurait décidé la dame à mettre fin à leur étrange relation, en 1890.

Portrait de Nadejda von Meck (1831 - 1894).
Portrait de Nadejda von Meck (1831 - 1894).
© Getty - Universal Images Group

Le secret bien caché de son homosexualité

S’il est une chose qui torture l’esprit de Tchaïkovski, c’est son homosexualité. Sans la réprimer - il connaît ses premières relations pendants ses études à Saint Pétersbourg - il ne peut concevoir que ces liaisons suffisent à le rendre heureux. Se confiant à son jeune frère Modeste, lui aussi homosexuel, il écrit : « Je trouve que nos tendances sont pour nous le plus grand et le plus infranchissable obstacle au bonheur. »

« Je voudrais, par un mariage ou du moins par une liaison déclarée avec une femme, faire taire certaines créatures méprisables. » Nous sommes en 1876 lorsque Tchaïkovski fait part de cette idée à Modeste, deux ans seulement avant son mariage. Car oui, pour mettre fin aux rumeurs qui courent à son sujet, le compositeur va se marier.

1877 est l'année durant laquelle Tchaïkovski compose son opéra "Eugène Onéguine". La crainte de ressembler au personnage sans cœur d'Eugène l'aurait également décidé à se marier. Ici son opéra dans une mise en scène de 2013, à Londres
1877 est l'année durant laquelle Tchaïkovski compose son opéra "Eugène Onéguine". La crainte de ressembler au personnage sans cœur d'Eugène l'aurait également décidé à se marier. Ici son opéra dans une mise en scène de 2013, à Londres
© Getty - Robbie Jack

Un mariage catastrophique

En juillet 1877, Tchaïkovski épouse Antonina Ivanovna Milioukova, une de ses élèves du conservatoire de Moscou. Rien que le premier jour lui est éprouvant. Les mondanités de la cérémonie et l’aspect irrévocable du lien scellé ont vite fait de le plonger dans un état de profonde dépression.

« Je l’avais bien prévenue qu’elle ne pouvait compter que sur un amour fraternel. Physiquement, ma femme m’inspire à présent une répulsion totale », écrit Tchaïkovski à Modeste, quelques mois seulement après les noces. Il se porte si mal que même ses médecins finissent par lui préconiser de mettre fin à son engagement. Le 24 septembre 1877, sous prétexte d’être attendu à Saint Pétersbourg, il quitte sa femme Antonina, pour ne plus jamais la revoir.

 Piotr Ilitch Tchaïkovski et sa femme et Antonina Ivanovna Milioukova, en juillet 1877.
Piotr Ilitch Tchaïkovski et sa femme et Antonina Ivanovna Milioukova, en juillet 1877.
© Getty - Ullstein bild

Le misanthrope

Aux yeux de son entourage et de ses contemporains, Tchaïkovski est un homme plutôt doux et bienveillant, doté d’excellentes manières. Mais le compositeur, lui, ressent les choses d’une toute autre manière. Il se décrit comme timide, presque asocial : « Je suis un sauvage. Chaque nouvelle connaissance, chaque rencontre avec un inconnu a toujours été pour moi source des pires souffrances morales. » (lettre à Mme Von Meck, 1878)

« Je ne puis être calme et véritablement heureux que lorsque je suis seul. » (Lettre à Jurgenson, 1879) Une condition d’accès au bonheur plutôt problématique lorsqu’on aspire à la reconnaissance de son oeuvre et à un métier artistique, mais dont seuls les plus proches de Tchaïkovski semblent avoir eu connaissance.

Au service de la justice

A l’âge de 10 ans, le petit Piotr Ilitch Tchaïkovski est envoyé en pension dans un établissement pour garçons de bonne famille. Il n’a alors guère d'autre choix que de mettre de côté ses ambitions musicales, bien qu’il participe à la chorale de l’école et profite de la vie urbaine pour assister à de nombreux spectacles.

Après ses études de droit, Tchaïkovski intègre le ministère de la Justice. Sa situation est confortable, mais lorsqu’il apprend l’ouverture du conservatoire de musique de Saint Pétersbourg, il n’hésite pas une seconde et retourne sur les bancs de l’école. A 26 ans, jeune musicien diplômé, Tchaïkovski est nommé professeur de composition au nouveau conservatoire de Moscou.

Tchaïkovksi est l'un des premiers professeurs du conservatoire de Moscou (qui se baptise en son nom en 1940). Ici la statue du compositeur devant l'établissement.
Tchaïkovksi est l'un des premiers professeurs du conservatoire de Moscou (qui se baptise en son nom en 1940). Ici la statue du compositeur devant l'établissement.
© AFP

Tchaïkovski n’aime (vraiment) pas Wagner

« Comme compositeur, Wagner est indiscutablement une des personnalités les plus remarquables de la seconde moitié de ce siècle », concède Tchaïkovski au Morning Journal en 1891, alors qu’il est invité à diriger pour l’inauguration du Music Hall de New York (aujourd’hui bien connu sous le nom de Carnegie Hall).

Oui, mais… « selon ma profonde conviction, c’était un génie qui a suivi une voie erronée », poursuit-il. Tchaïkovski reste poli, tout aussi poli qu’il l’avait été en tant que reporter envoyé par les Nouvelles russes à Bayreuth en 1876. A cette époque il publie cinq articles sur le festival wagnérien, peu élogieux mais courtois, tandis que dans une lettre à son frère, il écrit : « Bayreuth m’a laissé un souvenir pénible [...] Avant, on s’efforçait de satisfaire les gens avec la musique, à présent on les fatigue et on les torture » (lettre à Modeste, 8/20 août 1876).

Caricature par Honoré Daumier du public écoutant la musique de Wagner, parue dans Le Charivari, le 8 juillet 1868.
Caricature par Honoré Daumier du public écoutant la musique de Wagner, parue dans Le Charivari, le 8 juillet 1868.
© Getty - API

Poète et mélodiste

On connaît Tchaïkovski pour ses musiques de ballets, ses grands opéras (Eugène Onéguine, La Dame de Pique) ou ses symphonies, mais on sait moins souvent qu’il est aussi l’auteur d’une centaine de mélodies - forme musicale des plus intimistes - qui font écho à son attrait pour la poésie.

Enfant, Tchaïkovski écrit des petits poèmes hantés par les thèmes de la mort et du destin (il est un garçon particulièrement sensible, surnommé l’enfant de verre par sa gouvernante). Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’il conserve tout au long de sa vie le goût de la poésie mise en musique. Il exprime ainsi ses différentes humeurs, et écrit parfois lui-même les vers de ses mélodies.

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Mystère autour de sa mort

Au sujet de la mort de Tchaïkovski, survenue le 25 octobre 1893, à Saint-Pétersbourg, deux thèses s’affrontent… Celle officielle du choléra : il aurait été contaminé par l’ingestion périlleuse d’un verre d’eau non bouillie. L’autre hypothèse, moins convenable, est celle du suicide. Tchaïkovski aurait été anéanti par une plainte déposée à son encontre, suite à une liaison jugée scandaleuse.

Le mystère demeure, donc, sur la fin du ‘roman Tchaïkovski’. Est-elle plutôt digne d’un écrit de Tolstoï, inéluctable et déterminée :Tchaïkovski frappé par le même choléra qui emporta sa mère ? Ou est-ce plutôt là l’univers des Frères Karamazov de Dostoïevski, dans lequel seules prévalent la liberté et la responsabilité individuelle ?

Tchaïkovksi l'année de sa mort, en 1893.
Tchaïkovksi l'année de sa mort, en 1893.
© Getty
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