Le défi d’Olivier Latry : enregistrer Bach sur l’orgue de Notre-Dame de Paris

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Le défi d’Olivier Latry : enregistrer Bach sur l’orgue de Notre-Dame de Paris

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La console du grand orgue de Notre-Dame de Paris
La console du grand orgue de Notre-Dame de Paris
© Radio France - A.deLaleu

Olivier Latry, titulaire des grandes orgues de Notre-Dame de Paris depuis 33 ans, s’est lancé le défi d’enregistrer la musique de Bach sur le grand orgue de la cathédrale pour son prochain album.

La cathédrale Notre-Dame de Paris est vide, silencieuse et plongée dans le noir. Seule une lumière, à 16 mètres du sol, éclaire la console du grand orgue de la bâtisse. 

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Olivier Latry est ici chez lui. Titulaire des orgues de Notre-Dame de Paris depuis 33 ans, il connaît aussi bien le lieu que l’instrument, un majestueux orgue, entièrement rénové en 1868 par Aristide Cavaillé-Coll. 

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Ce soir-là, le 8 janvier 2019, il enregistre quatre œuvres de son prochain album Bach to the future. En tout, il lui faudra trois soirées pour tout mettre en boîte. Des horaires de nuit car, située en plein cœur de Paris, la cathédrale ne filtre pas le sons de la ville : « On ne peut pas commencer trop tôt, donc tout ce qui demande de jouer fort se fait en début de session, puis on enchaîne les pièces douces vers minuit ou 1h du matin quand il n'y a plus de bruits dehors », raconte l’organiste. 

Je voulais imaginer comment la musique de Bach pouvait passer les siècles au-delà de toutes contingences musicologiques.

Enregistrer l’oeuvre de Bach sur le grand orgue de Notre-Dame de Paris, c’est un projet qu’Olivier Latry mûrit depuis une trentaine d’années. Un pari assez osé : « L'orgue ici est un instrument symphonique, gigantesque », témoigne-t-il. « Or si on le compare à certains instruments que Bach a pu jouer, on est loin du compte. » Loin du compte car cette démarche est « à l’opposé de celle historiquement informée », précise le musicien, bien conscient d’être un brin provocateur avec ce disque. 

« Je voulais imaginer comment la musique de Bach pouvait passer les siècles au-delà de toutes contingences musicologiques que j'avais utilisées dans les autres albums », se justifie l’organiste. « Faire quelque chose qui soit vraiment aux antipodes, et essayer de remettre en phase l'instrument et la musique », poursuit-il. 

Remplir l'espace sonore avec l'orgue de la cathédrale 

Cet enregistrement est donc pour lui une manière de « remplir l'espace sonore en tenant compte de l'orgue et de la cathédrale ». Pour cela, il a sélectionné les meilleures œuvres pour Notre-Dame, non sans difficulté : « Le problème c’est qu’il y a non seulement l’orgue mais aussi la cathédrale avec ses sept secondes de réverbération, donc on ne peut pas faire n’importe quoi. Certaines musiques ne passeraient pas comme la musique trop en détail : la musique chambriste ou les sonates en trio pour orgue. » 

Olivier Latry a donc choisi une musique de masse, parfois polyphonique et dans ce cas il va simplement répartir les voix sur plusieurs claviers : « Et ça tombe bien, on en a cinq ici ! On va pouvoir faire entendre chaque voix avec un timbre particulier, ce qui fait que l'on va reclarifier le discours », précise l’organiste. 

Olivier Latry au clavier du grand orgue de la cathédrale Notre-Dame
Olivier Latry au clavier du grand orgue de la cathédrale Notre-Dame
© Radio France - Aliette de Laleu

C’est ici qu’entre en piste une personne essentielle à cette clarification du discours : l’ingénieur son. Pour ce disque, François Eckert est aux manœuvres et a disposé des micros dans la cathédrale : « La plus grande difficulté c’est d’arriver à les disposer là où l’on veut, or ce n’est pas toujours possible, comme ça le serait dans une petite église », précise le technicien. 

« A Notre-Dame ce serait quasiment impossible s'il n'y avait pas déjà un système installé avec des poulies qui sortent du plafond et descendent jusqu’au sol. » Un système rodé qui pose tout de même quelques difficultés : « Quand on a un système suspendu comme ici, on ne peut jamais se mettre exactement là où on se mettrait si on avait un pied de micro ». 

L'art de disposer les micros 

François Eckert a aussi ajouté des micros directement à côté de l’orgue, les micros qui « permettent de prendre des sons un peu plus précis ». Car cette cathédrale possède une spécificité : l’orgue est très haut (environ 16 mètres de hauteur) par rapport au public normalement installé pour écouter l’instrument, ce qui donne « un son globalement distant » d’après l’expert. 

« J’essaye de me dire qu’on va faire un disque où on entendrait l’orgue tel qu’il sonnerait dans un lieu peut-être plus approprié. » Certains micros sont même disposés dans l’instrument-même : « On enregistre une pièce ce soir où l’on entend des cloches qui sont un peu cachées et qu’on entend à peine, donc je vais mettre des micros juste à côté pour voir si on peut les faire ressortir au mixage afin de les entendre de manière un peu exceptionnelle », raconte l’ingénieur du son. 

Il est un peu plus de 20h, tout est prêt pour démarrer l’enregistrement. Un jeune accordeur, Itaru Sekigushi, vient de passer un long moment dans l’instrument pour ré-accorder quelques jeux avec l’aide d’Olivier Latry. Les trois hommes vont passer plusieurs heures dans une cathédrale déserte au son du grand orgue sur des airs de Bach. Un vrai luxe.

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