L’ensemble Les Surprises recrée Issé, un opéra oublié du 17e siècle

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L’ensemble Les Surprises recrée Issé, un opéra oublié du 17e siècle

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L'ensemble Les Surprises, dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas (chemise blanche) sur la scène de l'Opéra-Comédie de Montpellier, pour le Festival de Radio France Occitanie
L'ensemble Les Surprises, dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas (chemise blanche) sur la scène de l'Opéra-Comédie de Montpellier, pour le Festival de Radio France Occitanie
© Radio France - Clément Rochefort

Sous l’impulsion de Louis-Noël Bestion de Camboulas, directeur artistique de l’ensemble Les Surprises, le Festival de Radio France Occitanie Montpellier a accueilli la recréation de Issé, une pastorale héroïque d’André-Cardinal Destouches, composée en 1697.

Mais qu’est-ce qui peut bien pousser tous ces « baroqueux » à exhumer des bibliothèques, les poussiéreuses partitions d’opéras oubliés du XVIIe siècle ? Si on les y a laissé dormir pendant plus de trois cents ans, il y a peut-être une bonne raison… Comme celle d’un intérêt limité, voire d’un ennui mortel ? « C’est parfois le cas, explique Louis-Noël Bestion de Camboulas. Mais parfois, il s’agit vraiment de pépites qui se sont fait discrètes, parce que l’humanité ne peut pas se souvenir de tout ! ». 

Le fondateur et directeur artistique de l’ensemble Les Surprises n’a pas besoin de chercher beaucoup d’arguments pour convaincre de l’intérêt musical et historique de recréer Issé, pastorale héroïque d’André-Cardinal Destouches, composée en 1697. « Cet opéra est l’un des plus gros succès de la fin du XVIIe et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Dans l’histoire de la musique, il est rare qu’un opéra soit joué et repris aussi longtemps », précise le chef d’orchestre et claveciniste. « Ce qui me plaît dans l’idée de recréer un opéra, c’est d’aller fouiller dans les bibliothèques. Je crois que si je n’avais pas fait de musique, je serais devenu archéologue », affirme Bestion de Camboulas.

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2h 37

Le succès et la longévité de Issé sont certainement dûs à un prescripteur incontournable : Louis XIV en personne. L’opéra est présenté le 7 octobre 1697 à la cour de Fontainebleau et enchante le monarque. « Dans cette première version, Destouches n’avait pas écrit de prologue comme le veut l’usage. Mais Louis XIV a tellement été conquis, qu’il somme le compositeur d’en ajouter un. A cette époque, le prologue sert avant tout à louer la gloire du roi », explique Louis-Noël Bestion de Camboulas. 

André-Cardinal Destouches modifiera plusieurs fois son opéra, le premier qu’il compose à l’âge de 25 ans, après avoir fait partie des mousquetaires. Il ajoute deux actes en 1706 à cette pastorale héroïque, un genre typiquement français qui mêle le tragique et le comique. A l’Opéra Comédie de Montpellier, pour le Festival de Radio France Occitanie Montpellier, Les Surprises ont décidé de présenter la version de 1724, en 1 prologue et 5 actes. 

« C’est la version la plus complète que nous connaissons de l’œuvre. La partition n’est pas manuscrite mais imprimée, ce qui signifie bien la volonté de fixer véritablement cette version dans le temps », précise Bestion de Camboulas. Le livret d’Antoine Houdar de La Motte a été écrit sur un argument tiré d’un vers d’Ovide : « Comme Apollon déguisé en Berger trompa Issé ».

Destouches, dans la lignée de Lully et annonciateur de Rameau

Issé sera régulièrement jouée jusque dans les années 1770. L’œuvre fut également parodiée plusieurs fois, ce qui constitue une preuve de plus de sa notoriété à l’époque. « Quelque part, Destouches s’improvise compositeur. Il embrasse une carrière de mousquetaire avant de démissionner et de s’intéresser à la musique. Il se situe exactement après la mort de Lully et avant l’avènement de Rameau, relate Louis-Noël Bestion de Camboulas. Issé est une œuvre extrêmement bien écrite, il y a un vrai talent pour la ligne mélodique ». 

Destouches prend des leçons de musique avec Campra et sent qu’il y a une place à prendre depuis la disparition de Lully. Son ambition et son talent de compositeur paieront puisqu’il sera nommé inspecteur général de l’Académie royale de musique en 1713. « Destouches n’a pratiquement composé que des opéras. C’est ce qui explique pourquoi il est moins connu que ses contemporains. La musique instrumentale a cet avantage de pouvoir facilement être reprise, de voyager et donc de traverser le temps », explique le directeur artistique des Surprises

Le concert de 20h

Pour célébrer la fin des trois années de résidence des Surprises au Festival baroque de Pontoise, Louis-Noël Bestion de Camboulas voulait marquer le coup avec une grande œuvre. Le hasard a bien fait les choses puisque le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) souhaitait qu’un ensemble s’empare de Issé de Destouches afin de le recréer. 

Le CMBV s’est d’ailleurs occupé du long travail d’édition, un gain de temps considérable pour un ensemble spécialisé. L’œuvre est coproduite par le CMBV et l’office artistique de la Région nouvelle Aquitaine. Issé fera prochainement l’objet d’un enregistrement au disque. Ce sera au mois d’octobre 2018 dans la foulée des deux représentations, version de concert, prévues à l’Opéra royal de Versailles. L’album devrait sortir courant 2019.

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