Joséphine Baker : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur la chanteuse et danseuse

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Joséphine Baker : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur la chanteuse et danseuse

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Danseuse aux Folies Bergères, chanteuse jazz, actrice, symbole sexuel, résistante et militante des droits civiques… Joséphine Baker a tout fait, ou presque !

La plus parisienne des américaines, la plus sulfureuse des danseuses de music hall, la plus grimaçante des icônes, c’est Joséphine Baker.

Première femme noire à accéder au rang de star en Europe, symbole de la libéralisation des mœurs pendant les Années Folles, Baker a été sur tant de scènes et de fronts qu’on a parfois du mal à saisir la complexité de son personnage. Certains gardent en tête l’image de la danseuse sauvage, une simple ceinture de banane autour des hanches. D’autres se souviennent plutôt de la résistante, agent de renseignement des services français, ou de la militante en faveur des droits civiques, dans les années 1960…

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Pour ne rien manquer de son histoire romanesque et passionnante, voici 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Joséphine Baker.

Cendrillon, version Folies Bergère

L’histoire de Joséphine Baker est comme une version moderne et américaine de Cendrillon, le conte de Charles Perrault. Née en 1906 à Saint-Louis (Missouri, Etats-Unis), elle grandit dans la pauvreté, sans amour ni affection de la part de sa mère Carrie, travaillant avant et après l’école pour subvenir aux besoins de sa famille.

Joséphine Baker enfant, à Saint-Louis.
Joséphine Baker enfant, à Saint-Louis.
© Getty

Déjà enfant, elle aime danser et amuser la galerie. Mais qui aurait pu imaginer qu’à seulement 20 ans, elle serait la coqueluche des Folies Bergère, habillée par les plus grands couturiers de Paris ?

Mais dans l’histoire de Joséphine Baker, pas de place pour une marraine la bonne fée. Sa bonne étoile, c’est elle. Éternelle optimiste, Joséphine prend les devants et frappe seule à la porte du destin, réussissant à se faire embaucher comme habilleuse dans la troupe des Dixie Steppers, avant de rejoindre celle de la comédie musicale Shuffle Along, premier spectacle intégralement interprété par des artistes noirs à Broadway (New York).

Un masque de grimaces

Lorsqu’elle traverse l’Atlantique en 1925, Joséphine n’est donc déjà plus une parfaite anonyme. Elle a dansé à Broadway, où elle s’est notamment fait remarquer pour… ses grimaces.

C’est bien là l’arme ultime de Joséphine Baker, qu’elle utilisera tout au long de sa carrière : loucher, tordre son visage. Une arme, parce que l’effet sur son public est radical, et car c'est pour elle un moyen de défense, une façade.

Joséphine Baker en 1928.
Joséphine Baker en 1928.
© Getty

Faire le pitre permet à Joséphine de cacher ses peur, ses angoisses et ses complexes. Petite fille, on lui répète qu’elle n’est pas belle. Et lorsqu’elle débute sa carrière de danseuse, aux Etats-Unis, on la juge trop petite, trop maigre.

« Je n’ai pas la prétention d’être jolie. J’ai les genoux pointus et les seins comme une garçon de dix-sept ans. Mais si mon visage est maigre et laid, si les dents me sortent de la bouche, mes yeux sont beaux et mon corps intelligent ». (entretien pour Marseille-Matin, le 21 novembre 1931).

L’Incarnation d’un fantasme colonial

L’intelligence corporelle de Joséphine Baker s’exprime à travers la danse. Si elle fait sensation en 1925 à Paris, dans la fameuse Revue Nègre, c’est parce que critiques et spectateurs sont fascinés par son corps et sa façon de se mouvoir : énergique, déjantée, presque épileptique.

Dans la Danse sauvage, tableau final de la Revue, elle apparaît seins nus, un col de plumes autour du cou. Ce costume répond au fantasme de la société française sur les populations et cultures d’Afrique : des pays sauvages, primitifs, mais dominés. Pourtant Joséphine n’arrive pas des colonies, mais de New York, et les mouvements qu’elle enchaîne sont issus des dernières danses en vogue, comme le charleston.

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Rappelons-nous que la danse la plus répandue au moment où Baker débarque à Paris, c’est la valse. Codifiée et retenue. Voir sur scène les déhanchés frénétiques et érotiques de Joséphine est alors un événement, une révolution digne de la première du Sacre du Printemps.

Une people avant l’heure

1926 : la troupe de la Revue Nègre rentre à Paris, après une tournée triomphale à travers l’Europe. Joséphine rejoint alors l’établissement dont elle deviendra la plus grande vedette : les Folies Bergère.

La voilà sur la scène des Folies, vêtue de sa célèbre ceinture de bananes. Le succès est immense et ses numéros influent sur la mode parisienne : désormais, les femmes veulent un teint hâlé et se plaquent les cheveux sur le crâne, avec du 'Bakerfix'.

La célèbre ceinture de bananes de Joséphine Baker dans 'La Folie du Jour', spectacle des Folies Bergères en 1926.
La célèbre ceinture de bananes de Joséphine Baker dans 'La Folie du Jour', spectacle des Folies Bergères en 1926.
© AFP

Elle a à peine 20 ans lorsque le journaliste et écrivain Marcel Sauvage la sollicite pour écrire ses mémoires… 20 ans, mais déjà une longue vie derrière elle, de la pauvreté du quartier noir de l’East Saint Louis à l’incarnation d’un symbole sexuel des Années Folles.

Une critique aussi vive que son succès

Lorsqu’il assiste à la première de la Revue Nègre, l’influent Robert de Flers, membre de l’Académie française et critique au Figaro, écrit que le spectacle est « un lamentable exhibitionnisme transatlantique qui semble nous faire remonter au singe en moins de temps que nous n’avons mis à en descendre ».

Une critique violente, empreinte de racisme, et qui annonce la violence verbale que Joséphine devra par la suite affronter, dans une Europe où Adolf Hitler a publié Mein Kampf, et dans laquelle se répandent les idées xénophobes.

Lors de sa seconde tournée européenne, en 1928, ses spectacles font l’objets de vives controverses. A Vienne, les églises catholiques sonnent leurs cloches pour prévenir de l’arrivée imminente de cette 'dégénérée’. A Munich, son spectacle est annulé pour des raisons d’ordre public : l’affrontement entre ses défenseurs et détracteurs est trop violent.

Certains s’opposent à Joséphine par racisme : ils ne comprennent pas que l’on puisse payer pour aller applaudir une danseuse noire. L’église catholique s’élève, elle, contre la nudité et l'obscénité de ses chorégraphies. Quant aux habitants de Yougoslavie, Tchécoslovaquie ou de Hongrie, ils protestent contre le prix exorbitant des billets de ses spectacles et de ses costumes.

Chanteuse de jazz ou d’opérette

Joséphine Baker, c’est près de 50 ans de carrière. Mais pas non plus 50 ans de danse effrénée. Au début de sa carrière parisienne, on vient la voir bouger ses hanches et ses fesses. Mais à la veille de la Seconde guerre mondiale, Joséphine Baker foule désormais les planches du Casino de Paris, elle y danse toujours, mais chante désormais aussi, d'une petite voix jazzy.

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En 1934, on lui propose le rôle titre de La Créole, opérette de Jacques Offenbach. Une opérette ? Joséphine craint que ça ne « jazze » pas assez. Sera-t-elle à la hauteur de la partition de ce Monsieur Offenbach ? « Il est mort », lui répond-on. Joséphine est rassurée, et prend le rôle, remplissant le Théâtre de Marigny des semaines durant.

Baker semble savoir tout faire, à condition d’être sur scène, face au public. Lorsqu’elle se trouve dans un studio d’enregistrement ou sur un plateau de cinéma, la voilà moins à l’aise. Son premier film, La Sirène des tropiques, est d’ailleurs un échec…

Mariée cinq fois (au moins)

L’appétit sexuel de Joséphine Baker est aussi vif que ses chorégraphies. A Paris, elle multiplie les amants, parmi lesquels on compte notamment Georges Simenon, l’auteur de la série des Maigret.

Puis, en 1926, c’est le coup de foudre. Un italien, Giuseppe Abatino, qui se fait appeler Pepito. Pendant dix ans, il sera son manager, son conseiller financier et artistique. Si les deux amants tentent de faire croire à la presse qu’ils sont mariés et que Pepito est l’héritier d’une grande famille aristocratique, il n’en est rien.

En fait Joséphine ne veut pas épouser Pepito. Elle a d'ailleurs déjà été mariée deux fois, à 13 puis à 15 ans. Ce n’est que passé 30 ans, en 1937, qu’elle accepte qu’un homme lui repasse la bague au doigt. Il s’agit de Jean Lion, un courtier riche et mondain, et leur mariage permet à Joséphine d’obtenir la nationalité française.

Elle aura encore deux autres maris : le tranquille et dévoué Jo Bouillon, avec qui elle adopte douze enfants et construit un immense domaine, les Milandes. Puis Robert Brady, un artiste américain dont elle se sépare au bout d'un an seulement, peu avant sa mort.

Josephine Baker et Jo Bouillon, après un spectacle, en 1951.
Josephine Baker et Jo Bouillon, après un spectacle, en 1951.
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007 Baker

Lorsque la France déclare la guerre à l’Allemagne, en 1939, les services de renseignement recrutent diverses personnalités. Artiste invitée de toutes les grandes scènes européennes, mondaine qui fréquente soirées et salons, Joséphine peut facilement se déplacer à travers l’Europe, et son profil est idéal.

Mais les agents se méfient : l’ombre de Mata Hari, cette danseuse Hollandaise qui a trahi les français pendant la Première guerre mondiale, plane encore parmi les services de contre-espionnage.

Engagée par les services de renseignement français pendant la Première guerre mondiale, la danseuse et courtisane Mata Hari est accusée d'espionnage en faveur de l'Allemagne et est fusillée en 1917.
Engagée par les services de renseignement français pendant la Première guerre mondiale, la danseuse et courtisane Mata Hari est accusée d'espionnage en faveur de l'Allemagne et est fusillée en 1917.
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Usant de son intelligence, de son charme, mais aussi de son amour pour la France, Joséphine parvient à les convaincre. Elle opère d’abord dans les soirées parisiennes, où elle recueille les confidences des officiers. Lorsque les Allemands envahissent la France et Paris, elle se réfugie dans le Sud puis en Afrique du Nord. Elle y est longtemps hospitalisée, souffrant à trois reprises d’une septicémie, mais dès sa sortie de l’hôpital, elle rejoint le mouvement du Général de Gaulle pour la France Libre.

Après la guerre, elle se rend à plusieurs reprises aux Etats-Unis, où elle combat en faveur du mouvement des droits civiques. Elle qui a souffert du racisme et de la ségrégation ne manque aucune occasion pour défendre la communauté afro-américaine : des procès, des déclarations à la presse, des rencontres avec des chefs d’entreprise, mais aussi des clauses dans chacun de ses contrats pour interdire toute discrimination à l'entrée des salles de spectacle.

En août 1963, Joséphine Baker est invitée à prendre la parole à Washington, à l'issue de la 'Marche pour l'emploi et la liberté' des Afro-américains.
En août 1963, Joséphine Baker est invitée à prendre la parole à Washington, à l'issue de la 'Marche pour l'emploi et la liberté' des Afro-américains.
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Le DisneyLand de Joséphine Baker

Au lendemain de la guerre, Joséphine a un projet, une ambition : prouver que la fraternité est possible entre toutes les cultures. Avec son mari Jo Bouillon, elle adopte douze enfants de diverses nationalités. Ces adoptions suscitent de nombreuses critiques : ses protégés sont comparés à des objets de collection, des souvenirs rapportés de tournées. Même Jo Bouillon s’inquiète face à la générosité sans limite de son épouse ou plutôt, face à son manque de pragmatisme.

Joséphine Baker et ses enfants, dans sa propriété des Milandes, en Dordogne.
Joséphine Baker et ses enfants, dans sa propriété des Milandes, en Dordogne.
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Son utopie, Joséphine entend bien en faire une réalité. Elle installe ainsi sa famille dans un grand château de Dordogne, les Milandes, où elle entreprend de construire un véritable site d’attraction touristique : deux hôtels sont bâtis, un golf miniature, des courts de tennis, un musée de cire, des écuries, un bureau de poste, une station essence, un héliport…

Mais cet immense domaine comme l’éducation de ses douze enfants coûtent cher. Joséphine a beau travailler d'arrache-pied, multipliant les concerts, elle s'endette d'année en année… En 1968, les Milandes sont en ruine. Plus de deux millions d’anciens francs doivent encore être remboursés. Le château est donc revendu, et Joséphine Baker renonce à son rêve.

Le style Baker

Joséphine Baker est capable d’autant de superficialité que de simplicité. Un jour elle se promène avec son léopard, Chiquita, en arborant fourrures et robes luxueuses. Le lendemain elle est en banlieue, au Vésinet, jardinant en simple chemise et s'occupant de ses nombreux animaux.

Joséphine Baker et son guépard Chiquita, en 1930, à Deauville.
Joséphine Baker et son guépard Chiquita, en 1930, à Deauville.
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Elle qui a tant souffert du manque durant son enfance - du manque d’amour comme du manque d’argent - profite de tout ce qui lui est accessible, et s’intéresse à tous ceux qui croisent son chemin.

Dans le taxi, elle s’assied toujours sur le siège avant pour discuter avec le chauffeur. En voyage, elle se lie d’amitié avec les employés d’hôtel, comme en 1973, en Israël, où l’un d’entre eux l’invite à boire le thé dans son village.

C’est donc à l’artiste, mais aussi à la femme engagée et généreuse, que la foule et les membres de l’Etat français sont venus rendre hommage lors de ses funérailles, en 1975. Joséphine Baker est décédée d’une attaque cérébrale en avril, au lendemain d’une soirée de spectacle. Étaient présents à ses obsèques le maire de Paris, le ministre de la Culture, le gendre du Général de Gaulle, mais aussi l’actrice Sophia Loren et la princesse Grace de Monaco.

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