Thierry Escaich a composé Point d’orgue, une pièce miroir à celle de Poulenc, La Voix humaine. L’enjeu a été d’imaginer avec Olivier Py, la suite du monologue de Poulenc en un dialogue renoué entre Elle, Patricia Petibon et Lui, J-Sébastien Bou, et aussi L’Autre, Cyrille Dubois. Dir. Jérémie Rhorer.
Deux opéras au programme de notre soirée :
La Voix humaine, suivi de Point d'orgue.
Francis Poulenc – Jean Cocteau,
La Voix Humaine
Tragédie lyrique en un acte (1958), créée le 6 février 1959, Salle Favart à Paris.
Paroles de Jean Cocteau. Musique de Francis Poulenc
© Ricordi Paris, Edition Durand
Thierry Escaich – Olivier Py,
Point d’orgue
Opéra en un acte (2020) – Création mondiale le 5 mars 2021 au Théâtre de Champs-Elysées, à Paris.
Livret d’Olivier Py. Musique de Thierry Escaich
© Editions Gérard Billaudot.
Commande du Théâtre des Champs-Elysées, de l’Opéra de Dijon, de l’Opéra National de Bordeaux, de l’Opéra de Saint-Etienne et de l’Opéra de Tours
Opéras donnés sans public, enregistrés par Radio France le 5 mars 2021.
Distribution :
Patricia Petibon : Elle, Soprano
Avec l’aimable autorisation de Sony Music Entertainment France/ Label Masterworks
Jean-Sébastien Bou : Lui, Baryton
Cyrille Dubois : L’Autre, Ténor
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Jérémie Rhorer : Direction musicale
Olivier Py : Mise en scène
Pierre-André Weitz : Décors et costumes
Bertrand Killy : Lumières
La Voix humaine - Argument
Une femme s’entretient au téléphone avec son amant qui, après cinq années de relation, s’apprête à épouser une autre femme le lendemain. La conversation, constituée d’une succession de moments sans réel lien dramaturgique, est interrompue à plusieurs reprises par des coupures téléphoniques.
Le téléphone sonne. Elle décroche mais la conversation est interrompue par des interférences d’autres interlocuteurs sur la ligne.
Tout juste de retour à la maison, Elle s’inquiète d’avoir pu manquer les éventuels appels de son amant. Elle évoque sa journée avec Marthe.
L’amant demande à récupérer leurs lettres. Elle s’engage, le cœur serré, à les lui rendre. Il admire le courage de sa maîtresse face aux événements tout en percevant un profond désespoir. Il s’accuse d’avoir provoqué cette situation. Elle le détrompe et se remémore leur rencontre. A sa grande surprise, Elle apprend que son amant viendra chercher les lettres le lendemain.
La liaison téléphonique est de nouveau perturbée. Elle imagine son amant à l’autre bout du fil : sa posture, ses vêtements... Elle l’empêche de se prêter à un tel jeu au prétexte qu’il contemplerait une figure abîmée par le chagrin.
La liaison téléphonique est coupée. Elle rappelle chez son amant mais le serviteur l’informe que Monsieur n’est pas chez lui et pour cause, il l’appelle d’un restaurant.
La communication rétablie, Elle avoue avoir menti :Elle n’est pas sortie et a attendu toute la soirée son appel. Désespérée, elle s’apprêtait à venir le retrouver. La veille, Elle a tenté de se suicider en prenant des médicaments. Au plus mal, Elle a appelé Marthe qui a fait venir un médecin. Son amie l’a veillée toute la journée jusqu’à ce qu’Elle la congédie de peur que celle-ci l’empêche de recevoir le coup de fil tant attendu. Or parler à son amant l’apaise. Elle regrette de faire endurer une telle scène à celui-ci mais sa souffrance est telle, qu’elle ne peut s’en empêcher. L’avant-veille, Elle a dormi seule pour la première fois, le téléphone à ses côtés. La rupture consommée, sa vie n’aura plus aucun sens.
Après avoir mis fin aux interférences d’une voix étrangère sur la ligne, Elle se remémore avec effroi la situation et déplore cette rupture à distance.
Nouvelle coupure de téléphone.
La communication est rétablie. Le fil autour du cou, Elle n’a pas le courage de raccrocher. Avant de se séparer à jamais, Elle implore son amant de ne pas aller avec son épouse dans l’hôtel où ils allaient ensemble. L’amant raccroche au son d’un douloureux « Je t’aime ». Désespérée, Elle laisse tomber le combiné à terre.
© Théâtre des Champs-Elysées
Point d’orgue - Argument
Point d’orgue a été écrit comme une suite et un envers à La Voix humaine de Cocteau-Poulenc.
Suite chronologique, l’après catastrophe du mélodrame, mais aussi l’envers, puisque dans cet opéra on n’entend jamais l’autre personnage et que ses intentions autant que son histoire restent des hypothèses.
On retrouve donc le personnage central de la femme abandonnée qui ne porte pas de nom, ce qui est déjà lourd de symbole. Mais cette pièce est centrée sur le personnage masculin qui reste dans l’ombre dans l’œuvre de Cocteau.
L’homme énigmatique à l’autre bout du fil apparaît d’abord comme la personnification du lâche et du salaud.
On découvre dans Point d’orgue qu’il est sous l’influence d’une maladie de l’âme, personnifiée par un énigmatique compagnon. Il ne fuit donc pas pour un avenir meilleur, une autre femme, ou une relation plus gratifiante, mais tente de survivre, au cœur d’un ouragan.
Ce que l’on nomme aujourd’hui « dépression » n’est que la formulation médicale d’un mal plus grand dont la littérature n’a jamais mesuré le diamètre.
Les noms des personnages restent sans patronyme, Elle, Lui et l’Autre. Lui vit depuis des mois reclus dans une chambre d’hôtel, avec l’Autre. Ils jouent à toutes sortes de jeux pour tenter déjouer une chute, un effondrement que Lui refuse de qualifier de mystique, mais que l’Autre identifie comme une sorte de quête spirituelle à l’envers.
Un dialogue s’engage entre les deux, dans lequel les rapports de pouvoir et de domination laissent place à des méditations sur la vanité des choses. Alors que plus rien ne semble pouvoir arrêter la déchéance de Lui, Elle (le personnage de La Voix humaine) fait irruption dans ce couple faustien. L’Autre, conforme à sa dimension « mesphistophélique », entame un combat moral avec Elle. On comprend que la femme qui paraissait fragile et abandonnée dans La Voix humaine est en fait celle qui détient la force, et que c’est l’homme, Lui, dont le comportement est pathologique.
Elle tente une dernière fois de le sauver, avant de comprendre qu’elle doit se sauver elle-même et renoncer à cette relation empoisonnée, elle abandonne alors toute culpabilité, et se tourne vers la vie qu’elle porte en elle en abandonnant Lui a ses démons.
Les deux hommes reprennent alors leurs expérimentations philosophiques et physiques, dérèglement de tous les sens, mais aucune rédemption n’intervient dans ce chemin de croix.
Bien que les rapports de domination et de violence psychologique soient omniprésents dans cette chambre sale, le ton de la pièce oscille plutôt entre une grande plaisanterie, un carnaval de mots et un lyrisme qui ne renonce pas à formuler quelque chose de l’aventure spirituelle, fût-elle une chute ascensionnelle.
Le personnage de Lui, bien que grandement désespéré, ose un humour et une parodie de sa propre déchéance et tutoie les questions les plus complexes.
Le personnage de l’Autre, à la fois amant, dealer et metteur en séance, est peut-être une allégorie vivante de la souffrance morale. Là où la pièce de Cocteau décrivait un parcours de dépendance et de manque, son écho contemporain ouvre la béance et le mystère de la souffrance sans raison.
La pièce est une suite, un envers, et peut-être pour le personnage de Cocteau, la possibilité d’une résolution harmonique. La musique seule, arbitre ce qui dans nos anecdotes est de l’ordre de l’échec ou de la vérité.
© Théâtre des Champs-Elysées
Cette représentation en VOD sera disponible depuis le site du Théâtre des Champs-Elysées à partir du 1er juin 2021 (tarif : 10 euros)
Programmation musicale :
Francis Poulenc,
Sonate pour violoncelle et piano FP 143 :
2ème mouvement. Cavatine
François Salque, Violoncelle
Eric Le Sage, Piano
RCA RED SEAL 88985321992
Bernardo Bonezzi,
BO du film de Pedro Almodóvar, Femmes au bord de la crise de nerfs :
El teléfono no suena (Le téléphone ne sonne pas)
Orchestre et direction non précisés
QUARTET RECORDS QR 345
Ventura Romero Armendá,
BO du film de Pedro Almodóvar, Femmes au bord de la crise de nerfs :
Soy infeliz (Je suis malheureuse)
Lola Beltrán, Chant
Orchestre et direction non précisés
QUARTET RECORDS QR 345
Francis Poulenc,
Banalités FP 107 :
Sanglots
Patricia Petibon, Soprano
Susan Manoff, Piano
SONY CLASSICAL 194397195521
Thierry Escaich,
Les Litanies de l’ombre
Claire-Marie Le Guay, Piano
ACCORD 476 1282
Thierry Escaich – Olivier Py,
Le Chant des lendemains
Patricia Petibon, Soprano
Olivier Py, Chant
Susan Manoff, Piano
David Venitucci, Accordéon
SONY CLASSICAL 194397195521
Georges Bizet – Michel Carré et Eugène Cormon,
Les Pêcheurs de perles :
Zurga, Nadir « Au fond du temple saint »
Cyrille Dubois : Nadir, Ténor
Florian Sempey : Zurga, Baryton
Orchestre National de Lille
Direction : Alexandre Bloch
PENTATONE PTC 5186685
Wolfgang Amadeus Mozart – Lorenzo Da Ponte,
Don Giovanni KV 527 :
Acte II – Scène 12 (extrait) à scène dernière :
- Donna Anna « Crudele ! Ah no, mio ben… Non mi dir, bell'idol mio »
(« Cruelle ! Ah non, mon bien-aimé… Ne me dis pas, mon bel amour »)
- Don Ottavio « Ah si segua il suo passo »
(« Ah ! suivons ses pas »)
- Don Giovanni, Leporello « Gia la mensa è preparata »
(« La table est déjà prête » - sc 13)
- Donna Elvira, Don Giovanni et Leporello « L'ultima prova dell'amor mio »
(« L’ultime preuve de mon amour » - sc 14)
- Le Commandeur, Don Giovanni et Leporello « Don Giovanni, a cenar teco »
(« Don Giovanni, tu m’as invité à souper avec toi » - sc 15)
- Don Giovanni, Leporello et le Chœur « Da qual tremore insolito »
(« Quel est cet insolite tremblement »)
- Donna Elvira, Zerlina, Don Ottavio, Masetto, Donna Anna et Leporello
« Ah dov'è il perfido »
(« Ah ! où est le perfide » - sc dernière)
- Don Ottavio, Donna Anna, Zerlina, Masetto et Leporello
« Or che tutti o mio tesoro »
(« A présent, ô ma bien-aimée »)
Jean-Sébastien Bou : Don Giovanni, Baryton
Robert Cleadow : Leporello, Baryton-basse
Myrtò Papatanasiu : Donna Anna, Soprano
Julie Boulianne : Donna Elvira, Mezzo-soprano
Julien Behr : Don Ottavio, Ténor
Anna Grevelius : Zerlina, Mezzo-soprano
Marc Scoffoni : Masetto, Baryton
Steven Humes : Commendatore, Basse
Chœur de Radio France
Stéphane Petitjean, Chef des choeurs
Le Cercle de l’Harmonie
Direction : Jérémie Rhorer
ALPHA CLASSICS ALPHA 379
Don Giovanni - Argument (extrait) :
Fin de l’acte II. Dans son palais, Don Giovanni s’attable pour le souper. Donna Elvira vient une dernière fois l’adjurer de changer de vie. Don Giovanni n’en a cure et la renvoie. Le cri qu’elle pousse en sortant annonce l’entrée du Commandeur. La statue lui demande sa main en gage. Don Giovanni la lui offre et aussitôt un froid glacial l’envahit. Le Commandeur le somme alors de se repentir, mais Don Giovanni refuse. L’heure du châtiment a sonné : il est englouti par la terre et disparaît dans les flammes de l’Enfer.
Donna Elvira, Donna Anna, Don Ottavio, Zerlina et Masetto arrivent alors. Leporello leur apprend que le Ciel les a devancés. Donna Elvira décide de se retirer dans un couvent. Donna Anna demande à Ottavio de respecter son deuil pendant un an encore. Zerlina et Masetto s’en retournent chez eux, tandis que Leporello va à l’auberge chercher un nouveau maître.
Avec l’aimable autorisation d’Alpha Classics (Outhere)
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