Depuis un an, Pauline, infirmière, joue du piano pour apaiser les malades du Covid

"Si le cœur m’en dit, je me mets au piano", témoigne Pauline Cossutta. ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
"Si le cœur m’en dit, je me mets au piano", témoigne Pauline Cossutta. ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
"Si le cœur m’en dit, je me mets au piano", témoigne Pauline Cossutta. ©Radio France - Louis-Valentin Lopez
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Pauline Cossutta, infirmière de 26 ans à l’hôpital Bichat AP-HP, a pris l’habitude de jouer du piano au service des maladies infectieuses. De quoi remonter le moral des malades mais aussi de ses collègues, dans un service où le quotidien est parfois éprouvant. Rencontre.

Sous son masque, on devine l'air appliqué de Pauline Cossutta quand elle entame la Comptine d'un autre été, de Yann Tiersen. Nous sommes au deuxième étage du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat, derrière un piano droit.

L’instrument a quitté la salle de réunion qu'il occupait au rez-de-chaussée pour atterrir ici il y a un an, en mars 2020. Pauline s'en souvient : "Au tout début du premier confinement, on avait fait une grande réunion de service avec notre chef de service, le professeur Yazdanpanah, pour nous expliquer comment allait se dérouler la suite, la prise en charge des patients. À la fin de cette réunion, on s’est tous retrouvés un peu démoralisés face à l’ampleur de l’épidémie, un peu perdus", se souvient l’infirmière de 26 ans, qui travaille à l'hôpital Bichat AP-HP depuis 4 ans. "Et il y avait ce piano au fond de la salle. Je l’ai ouvert, j’ai joué. On a eu l’impression que ça nous avait un peu apaisés. Il a alors été décidé d’un commun accord qu’on allait le monter en haut, pour accompagner nos patients."

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"J’ai commencé à jouer régulièrement à partir de la première vague. Ça m’arrivait de rester un peu plus tard l’après-midi pour jouer. Je jouais souvent un morceau, qui me donnait envie à ce moment-là. Et puis c’est devenu un peu la routine. Si le cœur m’en dit, je me mets au piano"

Et depuis la première vague, l’infirmière, pianiste amateur - elle a pratiqué de ses 6 ans à son adolescence - joue. Dès que l'envie lui prend, qu'elle a un peu de temps. Ses morceaux de prédilection ? Yann Tiersen, donc, la bande-originale de Requiem For A Dream, Hallelujah de Jeff Buckley, Mad World de Gary Jules, qu’elle joue tout de même peu, car "assez triste, assez dure" pour les patients. 

Pauline joue, sans partition, les morceaux de tête.
Pauline joue, sans partition, les morceaux de tête.
© Radio France - Louis-Valentin Lopez

Les patients ne voient pas, mais écoutent

Des malades atteints de la Covid-19 contraints de rester dans leurs chambres, isolés, mais qui entendent les notes de piano. "Je ne pense pas avoir les capacités de soigner par la musicothérapie. Mais je pense que c’est peut-être un moment de répit. Un moment où ils ne pensent plus à rien, se concentrent sur autre chose que sur leur respiration, dans le cas de la Covid-19, ou la façon dont va évoluer leur maladie", témoigne Pauline, qui dit recevoir régulièrement des remerciements de patients ou de leur famille.

"Je suis toujours très émue quand on complimente ma façon de jouer, ou quand on me dit que ça fait du bien. C’est quand même important que les malades dans des situations difficiles, qui souffrent, qui sont seuls, que je puisse lire dans leur visage ou dans leurs mots qu’ils ont été clamés, rassurés, soignés aussi par la douceur"

Pauline a aussi pris l'habitude de jouer lors de circonstances difficiles : lorsqu’un malade du Covid décède. Comme un dernier hommage, dit-elle : "Ça a été une habitude de jouer lorsqu’un patient était accompagné de sa chambre vers la chambre mortuaire, passait par le couloir. Je me souviens de la toute première fois. J’étais en train de jouer pour moi, parce que j’avais eu une matinée difficile avec un décès qui m’a beaucoup touché. Quand j’ai commencé à jouer, une collègue est passée près de moi et m’a dit qu’un patient était en train d’être transféré vers la morgue. Il sortait de la chambre avec les brancardiers. Elle m’a demandé de continuer à jouer. Je crois qu’on a tous été assez touché par cet accompagnement. Après, c’est devenu quelque chose qu’on a fait plus régulièrement."

Le piano est au milieu des deux ailes, on s’est dit que les patients pourraient en profiter. Et nous aussi, quand on aurait des coups de mou ou qu’on serait démoralisés, on pourrait en profiter pour tous se retrouver entre nous, profiter de la musique

Motiver les soignants lors des moments difficiles

Faire résonner ce piano, c'est aussi un moyen de remonter le moral des collègues, affectés, fatigués par une année éprouvante. Fatime, cadre supérieure tout juste affectée dans le service, écoute religieusement. "C’est une belle découverte. Déjà, trouver un piano au sein du service m’avait interpellé, dans le bon sens du terme. Là, découvrir qu’une infirmière du service de ma nouvelle équipe a un talent fou… Je suis vraiment bouleversée et touchée. C’est une pause dans l’activité de la journée, ça surprend quand on est dans son bureau. Forcément on ouvre les portes des bureaux, on se pose, et on écoute."

"Cette année en dent de scie a été assez difficile pour nous. Il y a eu ces périodes où il fallait être les plus forts, où la charge de travail était très importante moralement, puis des moments d’accalmie, durant lesquels on a continué à utiliser le piano comme on le faisait", complète Pauline. "Et quand ça revient, on est prêt à affronter la charge de travail, les patients graves. Je pense que le piano a été utile dans toutes les phases de cette année." 

De quoi tenir le coup, face à une épidémie qui n'en finit pas, mais même après la crise l’infirmière l'assure : elle continuera de faire chanter le piano de l'hôpital Bichat. 

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