Propos sur Bach de Wanda Landowska (1909)

BACH-LANDOWSKA
BACH-LANDOWSKA
BACH-LANDOWSKA
Publicité

La pianiste et claveciniste Wanda Landowska (1879-1959) est une actrice majeure de l’intérêt pour la musique ancienne et de la renaissance du clavecin au début du XXe siècle. En 1909, elle s’élève contre l’interprétation uniforme et sévère des œuvres de Bach qui prévaut en France à cette époque.

« Je tiens à protester contre l’uniformité à laquelle certains voudraient condamner Bach.

Si les critiques de Leipzig de son temps le considèrent comme une sorte de pédant à la mine sévère qui fait étalage de science importune, ce n’est pas une raison pour continuer ces exagérations, en cherchant dans toutes les œuvres de Bach, sans distinction, l’ascétisme, l’amertume et la sévérité. Ce sont certes les qualités les plus caractéristiques du style de Bach dans ses grandes œuvres, mais elles n’en excluent nullement d’autres. Non seulement dans ses pièces profanes, mais même dans les cantates, nous découvrons une richesse d’airs d’une tendresse et d’une pénétration intimes, des rêveries légères, des pastorales et des chœurs qui chantent éperdument le bonheur de la vie et d’où s’épanouit la verdeur des joies de fête.

Publicité

Hans von Bülow nous présente Domenico Scarlatti comme le « progone » dont l’humour a fait naître le scherzo beethovénien. Des biographes de Carl Philip Emanuel Bach ne manquent jamais de découvrir quelque vague parenté entre ce grand compositeur et l’auteur de la Neuvième Symphonie. Nous sommes en général trop occupés à découvrir des points menant de Bach à Wagner, en fermant les yeux sur tout ce qui les sépare. Et c’est précisément cela qui forme son caractère particulier, sa beauté individuelle, en un mot son style. Quand nous connaîtrons ce « quelque chose » qui lui est propre et que les autres ne possèdent pas, nous connaîtrons son caractère particulier, son style.

Et il nous faut encore connaître l’esprit, le sentiment, le goût et l’atmosphère de l’époque pour comprendre ses œuvres et pour en donner un reflet plus ou moins exact. Quand, au lieu de cela, nous procédons en vue d’un principe unique de sévérité ou de sobriété, nous arrivons à ces exécutions uniformes, où les artistes ruminent leurs morceaux du même air invariablement grave et impassible. Or « on instruit toujours mal un lecteur lorsqu’on le fait bâiller », a dit un grand admirateur de Bach, qui s’appelait Frédéric Le Grand. »

Référence :
Wanda Landowska, Musique ancienne (chapitre XII : le style), Paris, Editions Maurice Senart, 1909.

Le Bach du dimanche
1h 56

♫ Jean-Sébastien BACH
Prélude en fa dièse mineur BWV 883
(Clavier Bien tempéré, livre II)
Wanda Landowska, clavecin Pleyel
Enregistrement réalisé à son domicile entre 1951-1954 (Lakeville, Connecticut)
Disque : RCA GD 87825 (1988)

L'équipe

pixel