Propos sur Bach d'Albert Schweitzer (1905)

Albert Schweitzer, 1955 - German Federal Archives
Albert Schweitzer, 1955 - German Federal Archives
Albert Schweitzer, 1955 - German Federal Archives
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A la fois pasteur et théologien protestant, docteur en philosophie et médecin, l’Alsacien Albert Schweitzer (1875-1965) reçoit le Prix Nobel de la paix en 1952. Egalement musicologue et organiste, il voue une passion pour Bach auquel il consacre une étude approfondie de l’œuvre en 1905.

« Le langage musical de Bach est le plus développé et le plus précis qui existe. Il a, en quelque sorte, ses racines et ses dérivations comme n’importe quelle langue. Il existe dans le langage de Bach toute une série de thèmes élémentaires procédant d’images visuelles, dont chacun produit toute une famille de thèmes diversifiés, selon les différentes nuances de l’idée qu’il s’agit de traduire en musique. Souvent, pour une même racine, on trouvera vingt à vingt-cinq variantes dans les différentes œuvres ; car, pour exprimer la même idée, Bach revient toujours à la même formule fondamentale. C’est ainsi que nous rencontrons les thèmes de la “démarche” traduisant la fermeté ou l’hésitation ; les thèmes syncopés de la lassitude, les thèmes de la quiétude, qui représentent des ondulations calmes ; les thèmes de Satan, exprimant une sorte de reptation fantastique ; les thèmes de la paix sereine ; les thèmes des deux notes liées, qui expriment la souffrance noblement supportée ; les thèmes chromatiques en cinq ou six notes, qui expriment la douleur aiguë, et, finalement, la grande catégorie des thèmes de la joie.

Il existe une quinzaine ou une vingtaine de ces catégories dans lesquelles on peut faire rentrer tous les motifs expressifs caractéristiques de Bach. La richesse de son langage ne consiste pas dans l’abondance de thèmes différents, mais dans les différentes inflexions que prend le même thème suivant les occasions. Sans cette variété de nuances, on pourrait même reprocher à son langage une certaine monotonie. C’est en effet la monotonie du langage des grands penseurs qui, pour rendre la même idée, ne trouvent toujours qu’une expression unique, parce qu’elle est la seule vraie.

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Mais son langage permet à Bach de préciser ses idées d’une façon surprenante. Il dispose d’une variété de nuances dans l’expression de la douleur et de la joie, qu’on chercherait vainement chez d’autres musiciens. Une fois connus les éléments de son langage, les compositions même qui ne se rattachent à aucun texte, comme les préludes et les fugues du Clavier bien tempéré, deviennent parlantes et énoncent en quelque sorte, une idée concrète. S’agit-il d’une musique écrite sur des paroles, alors on peut, sans regarder le texte, en préciser les idées caractéristiques à l’aide des thèmes seuls. »

Référence :
Albert Schweitzer, Jean-Sébastien Bach, le poète-musicien, Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1905, p. 338-339.

♫ Jean-Sébastien BACH
Choral BWV 665 : « Jesus christus unser Heiland »
Albert Schweitzer, orgue
Enregistré le 16 mars 1937 en l’Eglise Sainte-Aurélie à Strasbourg
Disque : EMI 7647032 (1993)

Le Bach du dimanche
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