Propos sur Bach : 37. Une polémique esthétique autour de l'art de Bach

Episode 37
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Entre 1737 et 1739 éclate dans la presse sous la forme d’une joute d’articles, une polémique qui a pour cible les œuvres de Jean-Sébastien Bach...

...C’est le critique Johann Adolf Scheibe qui est à l’origine de cette querelle esthétique, une véritable bataille riche de renseignements pour nous aujourd’hui en ce qui concerne l’évolution du goût de l’époque. 

Fils d’un facteur d’orgue très estimé de Bach, le leipzigois Johann Adolf Scheibe était bien connu du cantor. Etudiant de l’Université, il avait en vain sollicité le poste d’organiste de l’église Saint-Thomas. Comme compositeur et instrumentiste, il était très actif dans la vie musicale leipzigoise jusqu’en 1736, date à laquelle il s’installe à Hambourg où, encouragé par les deux plus grands musiciens de cette ville, Mattheson et Telemann, il publie une revue musicale entre 1737 et 1740. C’est au sein de cette revue que naît la polémique.

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Scheibe présente Jean-Sébastien Bach comme le plus distingué des musiciens de son temps, comme un artiste extraordinaire à l’orgue et au clavecin, d’une dextérité étonnante. Arrivent les reproches : « ses œuvres sont extrêmement difficiles à jouer, car il exige que les chanteurs et les instrumentistes fassent avec leur voix et leurs instruments précisément ce qu’il peut faire sur son clavier ». De là, Scheibe conclut que « ce grand homme serait l’admiration de nations entières s’il avait plus d’agrément, s’il ne retirait pas à ses œuvres le naturel par leur emphase et leur confusion, s’il n’assombrissait pas leur beauté par un art trop grand ».

Jean-Sébastien ne se positionne pas publiquement. C’est son ami Johann Abraham Birnbaum, professeur de rhétorique à l’Université de Leipzig, qui représente ses intérêts en prenant la défense de son art. Certes, l’exécution des œuvres du cantor nécessite une parfaite maîtrise technique de la part des interprètes et ce haut degré d’exactitude doit être respecté si l’on ne veut pas se laisser envahir par un sentiment de confusion. Car l’art savant de Jean-Sébastien Bach repose sur une maîtrise parfaite du contrepoint et de l’art rhétorique, un art porté à un degré encore inégalé. Et Scheibe de rétorquer que pour être un compositeur extraordinaire, il faut autre chose que savoir appliquer les règles les plus ingénieuses de la composition musicale qui consistent à maîtriser l’art du contrepoint et tous les genres difficiles : « le goût de la nouvelle mode pourrait bien être beaucoup plus naturel que celui bien vieilli de ceux qui préfèrent contraindre la nature ».

Il ressort de l’ensemble de ces textes publiés juste avant que Bach ne s’engage dans la composition du deuxième livre du Clavier bien tempéré, de L’Art de la fugue et des Variations Canoniques, que le cantor de Leipig est unanimement reconnu par ses contemporains comme un claviériste exceptionnel et un compositeur de haut rang en même temps que contesté par la nouvelle génération à la conquête du « bon goût » de l’époque, qui tend désormais à délaisser le contrepoint au profit de la mélodie accompagnée jugée plus « naturelle ».

Jean-Sébastien Bach
L’Art de la Fugue BWV 1080   Contrepoint n° 8 à trois
Ensemble de flûtes à bec Quinta Essentia
Disque : Ars Productions ARS 38230 (2017)

Jean Sébastien Bach : L'art de la fugue
Jean Sébastien Bach : L'art de la fugue

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