Clovis Nicolas / Avishai Cohen, fortement les basses !
“Autoportrait” de Clovis Nicolas et “Two Roses” d’Avishai Cohen, paraissent simultanément aujourd’hui. Les deux contrebassistes s’y sont fixés des objectifs diamétralement opposés : jouer en solo pour l’un et accompagné par un orchestre symphonique pour l’autre. Grande classe.
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- Clovis Nicolas & Avishai Cohen à la Une
En 2020, dans un contexte assombri par la pandémie, le contrebassiste Clovis Nicolas s’est retiré dans son home studio pendant le confinement et en est ressorti avec un nouvel album. De son côté, Avishai Cohen a convié l’Orchestre symphonique de Göteborg dirigé et son chef Alexander Hanson à participer à la conception de son album.
Clovis Nicolas
L'enregistrement d'un album solo est l'exploit le plus intimidant pour un instrumentiste. Le temps requis à un musicien pour affiner ses compétences, développer un répertoire et ensuite apprendre à se fier à son instinct est suffisant pour que la plupart abandonnent le projet. L'opportunité offerte par la situation extrême de la pandémie a permis au bassiste Clovis Nicolas de compléter cet album, “Autoportrait”, un condensé de son année passée à travailler sur lui-même et sur son art.
L'idée d'enregistrer un album en contrebasse solo tourmente Clovis Nicolas depuis deux ans. Le concept est assez pauvre en références, il n'existe en effet qu’une poignée d'enregistrements de ce format, beaucoup de ceux-ci étant réalisés de manière assez similaire, avec des accords ouverts, des compositions méditatives, et un manque de variété. Clovis Nicolas s'est rendu compte qu'il allait devoir travailler très dur pour réaliser un album qui couvrirait tout le potentiel qu'il envisageait, sans avoir un véritable modèle au préalable.
Pour ce faire, Clovis Nicolas a médité sur la première leçon de jazz qu'il a apprise : "Soyez votre propre section rythmique". Cela signifiait qu'il fallait prendre en compte la musicalité, les harmonies et la structure dans sa performance, mais aussi inclure les qualités mêmes que la basse apporte à l’ensemble.
Nicolas a commencé ce travail en septembre 2019 en écrivant Four Steps, puis a mis l'opération en pause jusqu'à ce qu'il retrouve quelques semaines plus tard son collègue et ami, le producteur Daniel Yvinec, autour d'un café. Après avoir fait part à ce dernier de ses réflexions sur l'enregistrement d'un album solo, Yvinec a insisté sur l'importance du projet. Il a alors semblé évident à Clovis Nicolas qu'il avait trouvé la bonne personne pour l'aider à produire l'album et lui servir d’interlocuteur au fur et à mesure de son développement.
C'est peu après que le monde a été frappé par la crise du COVID-19. Le travail des musiciens freelance a instantanément disparu. Ce fut paradoxalement un heureux concours de circonstances pour Clovis Nicolas, qui a dès lors trouvé le temps nécessaire pour se consacrer à cette entreprise qui l'obsédait.
Le bassiste s’est retranché dans son studio de répétition afin d’élaborer des esquisses. Il y trouvait une idée, l'enregistrait, l'écoutait d’une oreille critique, puis développait l’œuvre étape par étape. Il compare ce processus à celui d'un peintre qui effectue son autoportrait, affinant sa propre image sur la toile en se regardant dans un miroir.
Avec Daniel Yvinec ils se parlaient occasionnellement au téléphone ou en visioconférence pour préciser leurs idées ou réfléchir sur le matériel et les thèmes. Leurs efforts ont abouti à l'enregistrement de l'album au studio Sear Sound de New York en septembre 2020.
“Un disque de contrebasse solo, c’est une montagne à gravir. Clovis Nicolas a eu le temps d’y penser, de s’y préparer. La profondeur, l’inspiration et le talent dont il fait ici preuve le placent en haut des cimes. L’accompagner dans ce voyage m’a nourri et passionné”, confie Daniel Yvinec.
Le disque commence par After Bach, une mélodie que Clovis Nicolas a écrite en écho aux Suites pour violoncelle de J.S. Bach que de nombreux bassistes choisissent d'interpréter. Encouragé par l'intérêt suscité par une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Clovis Nicolas est revenu à l'audacieux Hot House de Tadd Dameron, un morceau qu’il adore. Daniel Yvinec a proposé de tenter une transcription du solo de Coleman Hawkins sur Body and Soul, un exploit difficile dont le bassiste se sort à merveille. Nicolas a tiré Thon's Tea de son propre répertoire, en changeant la tonalité pour faciliter l’utilisation de cordes à vide et le groove.
Free est une pièce librement improvisée qui dévoile un jeu exubérant, tandis que Another Rendez-vous fait un clin d'œil au précédent album de Clovis Nicolas, avec un blues mettant en valeur sa maîtrise de la walking bass. Jubilate Deo est issu de ses études de contrepoint, la pièce faisant partie d’un exercice d'écriture spontanée, dont l'enregistrement au piano qui suit fût la première lecture par son professeur, Kendall Durelle Briggs. L'idée d’un enregistrement en solo est née lors d’un concert de Dave Holland, que Clovis Nicolas a été fasciné de voir se produire seul sur scène à Marseille. Four Steps est un morceau écrit en hommage à ce légendaire bassiste.
L'interprétation méditative de Solitude, un classique de Duke Ellington, est inspirée de la voix sombre de Billie Holiday, tandis que Line Up de Lennie Tristano constitue une véritable prouesse technique, la mélodie chromatique du pianiste se transformant sous les doigts du bassiste en une étude de haute voltige. Écrit initialement comme un prélude pour piano, Chloé est dédié à la mère de Clovis, à l’origine de son amour pour la musique ; la pièce ayant été retravaillée pour assurer la clarté de la basse sur ses accords éloquents et laisser une place à l’improvisation. Clovis Nicolas dévoile à nouveau ses superbes talents de walking bass sur Lady Bass, un morceau rapide et rythmé, présentant le musicien comme un funambule sur une corde raide. Et l’album se termine avec Everything Happens To Me, un standard interprété avec conviction.
Clovis Nicolas, qui a grandi en Provence et s’est installé à New York en 2003, a travaillé notamment avec Jeremy Pelt, Eric Reed, Gregory Hutchinson, Baptiste Trotignon, Samora Pinderhughes, Marcus Gilmore…
Concert de sortie d’album
Un concert de sortie d'album aura lieu à la SoapBox Gallery, diffusé en direct sur leur site, le lundi 3 mai à 20h (New York time), puis en différé les jours suivants.
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Avishai Cohen
Faire un disque accompagné par un orchestre symphonique est le rêve de nombre de musiciens, mais tous n’ont pas les moyens d’assumer une telle ambition. Parce qu’il a cette aptitude à écrire des mélodies qui s’ancrent dans toutes les mémoires et qu’il les a, depuis des années, patiemment éprouvées sur scène au point qu’elles semblent lui être consubstantielles, Avishai Cohen avait toutes les cartes en main pour mener à bien une telle ambition. “Two Roses” est d’ailleurs le fruit d’un long processus, initié avec le disque “Almah” en 2013, dans lequel son trio de l’époque se confrontait à un petit ensemble de chambre constitué de quatre instruments à cordes et d’un hautbois.
Grand adepte des musiques afro-caribéennes, Avishai Cohen en a assimilé l’essence rythmique. Également marqué par les mélodies du folklore israélien, dans la complexité de leurs héritages séfarades, ashkénazes ou yéménites, il a fait connaître au monde des chansons parfois très anciennes, comme le traditionnel sépharade ladino Morenika, mais aussi des airs populaires de son pays natal, comme Two Roses (alias Shnei Shoshanim). La chanson donne son titre à cet album, qui sonne comme une métaphore des noces du jazz et du monde symphonique. Adepte des standards de jazz, qu’il aime s’approprier par le biais d’arrangements très personnels - comme en témoigne, par exemple, dans ce disque une version de Nature Boy - Avishai Cohen n’en demeure pas moins un compositeur de thèmes à part entière, empruntant ses couleurs à l’Afrique du Nord, au Proche-Orient, à l’influence slave et aux compositeurs russes. Tout un monde de couleurs à lui seul.
«Jouer et chanter sa musique avec un orchestre symphonique, c’est une chose à part, c’est une expérience aussi forte que spécifique» souligne le contrebassiste.
Ce dernier a trouvé en Suède une formation en mesure de relever son défi, l’Orchestre symphonique de Göteborg dirigé par Alexander Hanson. Dans pareille aventure, Avishai Cohen ne risquait pas de s’engager seul. On retrouve, au sein de son trio, deux musiciens à propos desquels il ne tarit pas d’éloge. D’une part, le pianiste azeri Elchin Shirinov, qui figurait déjà sur son précédent disque, “Arvoles”. D’autre part, le batteur new-yorkais Mark Guiliana, avec qui le contrebassiste a révolutionné l’approche du trio au cours de la décennie 2000.
«Au fond, je me suis consacré aux mêmes chansons toute ma vie, confie sans barguigner Avishai Cohen.Sans pour autant m’empêcher d’en écrire et d’en apprendre de nouvelles, celles-ci font partie de mon existence...»
Et de rappeler que son arrangement en mi majeur de A Child Is Born, de Thad Jones, désormais transposé à l’échelle symphonique, remonte au tout début des années 2000 et à son quatrième disque, au temps de l’International Vamp Band, dans lequel il jouait principalement... du piano ! “Two Roses”, cependant, comprend une nouvelle chanson de sa plume, When I’m Falling qui témoigne de la dimension autobiographique que prennent depuis quelques années ses compositions.
« Entendre des chansons de la trempe de Morenika ou de Puncha Puncha, c’est comme regarder un film et changer d’époque, se retrouver dans un temps où rien n’est plus pareil », constate Avishai Cohen en commentant le déroulé d’un album qui, en plus d’un point, s’apparente à la bande originale d’un film aux accents épiques, par endroit teinté de nostalgie, emporté ailleurs par une énergie trépidante et communicative. Un disque qui échapperait aux distinctions stylistiques et s’offrirait comme un grand tout où ne comptent plus que la performance, l’émotion et l’expression personnelle d’un citoyen du monde qui envisage la musique comme sa seule véritable patrie.
(extraits des communiqués de presse)
Avishai Cohen (voix, basse acoustique, basse électrique, minimoog synthétiseur)
Mark Guiliana (batterie)
Elchin Shirinov (piano)
Alexander Hanson (chef d’orchestre)
Orchestre symphonique de Göteborg
Producteurs : Avishai Cohen, Lars Nilsson, Lenny Ben BasatClovis Nicolas / Avishai Cohen, fortement les basses !
- 18h07Clovis Nicolas
Hot House
Tadd Dameron : compositeur, Clovis Nicolas (contrebasse)Album Autoportrait Label Sunnyside (SSC4117) Année 2020 - 18h12Avishai Cohen
Arab Medley
Avishai Cohen. : compositeur, Elchin Shirinov (piano), Avishai Cohen (contrebasse), Mark Guiliana (batterie), Orchestre Symphonique de Goteborg, Alexander Hanson (direction)Album Two Roses Label Naive / Believe Année 2021 - 18h19Vinnie Burke String Jazz Quartet
Let's Do It
Cole Porter : compositeur, Dick Wetmore (violon), Calo Scott (violoncelle), Bobby Grillo (guitare), Kenny Burrell (guitare), Vinnie Burke (contrebasse), Jimmy Campbell (batterie)Album The Vinnie Burke all-stars and his string jazz quartet Label Fresh Sound (FSRCD998) Année 2021 - 18h23Clovis Nicolas
Everything Happens To Me
Matt Dennis, Tom Adair : compositeur, Clovis Nicolas (contrebasse)Album Autoportrait Label Sunnyside (SSC4117) Année 2020 - 18h29Avishai Cohen
Alon Basela
Avishai Cohen. : compositeur, Avishai Cohen (contrebasse, chant), Elchin Shirinov (piano), Mark Guiliana (batterie), Orchestre Symphonique de Goteborg, Alexander Hanson (direction)Album Two Roses Label Naive / Believe Année 2021 - 18h35Milt Hinton
Upstairs with Milt
Milt Hinton. : compositeur, Tony Scott (clarinette), Dick Katz (piano), Milt Hinton (contrebasse), Osie Johnson (batterie)Album Basses Loaded / East Coast Jazz/5 Label Fresh Sound (FSRCD999) Année 2021 - 18h38Ron Carter
Telephone
Ron Carter. : compositeur, Cedar Walton (piano), Ron Carter (contrebasse)Album Heart & Soul Label Timeless Sjp (CDSJP 158) Année 1989 - 18h42Prince Lasha, Sonny Simmons
Lost Generation (feat. Sonny Simmons)
Prince Lasha, Sonny Simmons. : compositeur, Sonny Simmons (saxophone alto), Gary Peacock (contrebasse), Gene Stone (batterie)Album The Cry Label Universe Année 2012 - 18h49Clovis Nicolas
Body And Soul
Johnny Green : compositeur, Clovis Nicolas (contrebasse)Album Autoportrait Label Sunnyside (SSC4117) Année 2020 - 18h53Norah Jones
Cold, Cold Heart (live)
Hank Williams : compositeur, Norah Jones (chant, piano), Christopher Thomas (contrebasse), Pete Remm (orgue Hammond), Brian Blade (batterie)Album 'Til We Meet Again Label Blue Note Année 2021 - 18h58Clovis Nicolas
Lady Bass
Clovis Nicolas. : compositeur, Clovis Nicolas (contrebasse)Album Autoportrait Label Sunnyside (SSC4117) Année 2020
- Alex DutilhProduction
- Fabien FleuratRéalisation
- Emmanuel BenitoRéalisation
- Emmanuelle LacazeCollaboration
- Marjolaine Portier-KaltenbachCollaboration