1968, Iannis Xenakis : création de "Nuits", pour 12 voix a cappella

Iannis Xenakis, Nuits / Musicopolis ©Getty - Rui Almeida Fotografia
Iannis Xenakis, Nuits / Musicopolis ©Getty - Rui Almeida Fotografia
Iannis Xenakis, Nuits / Musicopolis ©Getty - Rui Almeida Fotografia
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Au programme du Festival International d'art contemporain de Royan, le 7 avril 1968, la création de « Nuits, pour 12 voix a cappella » de Iannis Xenakis remporte un succès extraordinaire. Créée un mois avant les événements de mai 68, cette oeuvre deviendra un emblème du mouvement révolutionnaire.

"Le choc que produit cette œuvre est si considérable, ce monolithe sonore est si impressionnant qu'il peut sembler oiseux et vain d'en tenter une analyse. …"Nuits" est au pluriel et nous pouvons donc lui trouver au moins deux sens. Au sens littéral il y a sûrement dans "Nuits" de la musique nocturne, des orfraies, des crapauds, des bourdonnements d'insectes et tous ces bruits que l'obscurité rend inquiétants, maléfiques. Mais si l'on en croit la dédicace de l'oeuvre à des détenus politiques, la nuit que veut surtout évoquer Xenakis est celle de l'incarcération, du croupissement immonde de la prison, de l'oubli obscur et noir au fond des cachots de ces régimes totalitaires réactionnaires et militaristes qui tiennent sous leur botte deux des trois péninsules de la Méditerranée."

Gérard Zwang dans La France, 8 avril 1968 

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Programmation musicale 

Iannis Xenakis (1922-2001)
Nuits pour 12 voix a cappella (1967)
Solistes du Choeur de l'ORTF, direction Marcel Couraud
Adès 14122-2   

Olivier Messiaen (1908-1992)
Cinq Rechants (1950) 3ème Rechant "Ma robe d'amour"
(Archive INA Festival International d'art contemporain de Royan, 07/04/68)

Iannis Xenakis (1922-2001)
Nuits pour 12 voix a cappella (1967)
Solistes du Choeur de l'ORTF, direction Marcel Couraud
(Archive INA Festival International d'art contemporain de Royan, 07/04/68)

Giovanni Gabrieli (v.1555-1612)
Symphoniae Sacrae (pub. 1615) In ecclesis a 14
La Fenice, direction Jean Tubéry
Ricercar 207412   

Iannis Xenakis (1922-2001)
Polytope de Montréal (1967) pour 4 orchestres identiques
Ensemble Ars Nova, direction Marius Constant
Edition RZ RZ 1015
 

Iannis Xenakis (1922-2001)
Nuits pour 12 voix a cappella (1967)
Solistes du Choeur de l'ORTF, direction Marcel Couraud
(Archive INA Festival International d'art contemporain de Royan, 07/04/68)

Bonus Web

Archive INA : Iannis Xenakis au micro de Jeanne-Martine Vacher (1989)

1 min

Archive INA : Intégrale de la création « Nuits pour 12 voix a cappella» de Iannis Xenakis le 7 avril 1968 Au Festival International d'art contemporain de Royan. Solistes du Chœur de l'ORTF, direction Marcel Couraud

1h 09

Témoignage

"J'avais 20 ans et c'est encore aujourd'hui mon plus grand souvenir musical." 

Un de nos auditeurs, Bernard Poirier, présent au concert du 7 avril 1968, se souvient :

"Ce moment extraordinaire et inoubliable  dans toute l'histoire du Festival de Royan. (J'ai suivi l'intégralité des manifestations de tous les festivals aussi bien sous Harry Halbreich que sous Claude Samuel, l'initiateur).    Le  tout petit théâtre du château de La Roche Courbon obligeait à une grande proximité avec les  musiciens ; nous étions à peine 80 spectateurs à ce concert, la seconde exécution était donnée au casino de Royan peu après pour les non abonnés.   Le choc physique causé par la violence des cris de "Nuits" a subjugué tout le public d'où cette demande spontanée du bis. Vous avez tout dit , je n'en rajoute pas. Le concert se poursuivait avec Michel Béroff (premier prix Messiaen un an avant). Une maîtrise magnifique, une sonorité de velours, "Les Sons impalpables du rêve" et "Par lui tout a été fait" ont  été généreusement  et justement fort applaudis. La surprise de cette matinée est arrivée à la fin du concert : "les Cinq Rechants" remarquablement chantés par l'ensemble Marcel Couraud ont dû paraître anecdotiques au public (assez restreint je le rappelle et composé essentiellement de professionnels de la musique, mon épouse et moi étions parmi les rares amateurs) après Xénakis puisque cette œuvre a été copieusement sifflée dans un festival entièrement bâti autour de la personne d'Olivier Messiaen. C'est la seule fois où Messiaen a été nettement conspué dans l'histoire de ce Festival.   Xénakis était un peu le chouchou du Festival : la création de "Terretektorh" quelques années auparavant avait connu un accueil encore plus extraordinaire. Hermann Scherchen (dont c'était le dernier concert, c'est Charles Bruck qui a dirigé l'œuvre à Paris) tournant comme une toupie avec un minuscule petit carton à la main au milieu des 90 musiciens répartis dans le public offrait un spectacle hallucinant. J'avais 20 ans et c'est encore aujourd'hui mon plus grand souvenir musical.     Curieusement, la seconde exécution de "Nuits" quelques jours après, devant le très nombreux public du Casino de Royan n'a (selon les amis qui y étaient) ni donné lieu à des débordement d'enthousiasme pour Xénakis ni à des sifflets chahuteurs pour Messiaen."

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