Lieux de débauche et whisky frelaté

Cab Calloway, le roi du Hi-De-Ho ©Getty - Hulton Deutsch
Cab Calloway, le roi du Hi-De-Ho ©Getty - Hulton Deutsch
Cab Calloway, le roi du Hi-De-Ho ©Getty - Hulton Deutsch
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Avant d’être cantonné aux clubs chics, le jazz s’est aussi épanoui dans les bas-fonds, les hôtels borgnes, les maisons de passes… Les musiciens y jouaient devant un public venu autant pour la musique que pour l’alcool, souvent coupé avec diverses substances.

Dans les années 1920, le quartier new-yorkais de Harlem offre un étrange paradoxe. Considéré comme un endroit infréquentable car dangereux, habité par une population laborieuse, il est aussi le berceau d’une renaissance artistique menée par une élite afro-américaine qui combine littérature, peinture, photo et musique. 

Les boîtes de nuit y sont très réputées. Tant pour leur musique que pour leur luxe ostentatoire. Au Cotton Club, dont le patron est un membre de la pègre, Duke Ellington et ses musiciens créent le style jungle. Après eux, Cab Calloway y perfectionne son scat légendaire. Au Savoy, Louis Armstrong fait renaître son Hot Five. Au Small Paradise, Charlie Johnson tient la dragée haute à ses concurrents…

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Le public, blanc en ces temps de ségrégation, n’habite pas Harlem. Il vient s’encanailler et repart au petit matin. Ce paradoxe « bas-fonds luxueux », les musiciens et patrons d’établissements harlémites en font leur gagne-pain. Le jazz de Harlem aura du mal à se défaire de cette image encombrante. A Paris, certains quartiers, connaissent des situations similaires, avec des apaches d’opérette, payés par des guides peu scrupuleux pour effrayer les « caves » sans les voler, ni les abîmer.

Plaisirs charnels et musicaux

A la Nouvelle Orléans, les autorités ont volontairement cantonné les activités illicites dans un périmètre précis afin de garder un œil dessus. La zone s’appelle Storyville. L’établissement le plus célèbre demeure, plus de 100 ans après sa démolition, le Mahogany Hall. Une maison de passes tenue par une certaine Lulu White. Storyville a beaucoup inspiré les musiciens locaux et le Mahogany Hall est passé à la postérité grâce au roi Louis, originaire de la cité du Croissant. Il enregistré son Mahogany Hall Stomp des dizaines de fois.

Ces lieux que la morale réprouve employaient des orchestres plus ou moins bons, plus ou moins célèbres afin d’animer leurs soirées. Jelly Roll Morton affirmait y avoir joué. Tout comme Steve Lewis, fameux pianiste local, et le légendaire King Oliver. Quelques formations étaient même spécialisées dans l’animation musicale des maisons closes. 

Evidemment, ce n’était pas un argument commercial pour le grand public et personne ne s’en vantait. Seuls quelques indices permettent aujourd’hui d’avancer cette hypothèse. Par exemple, le groupe Hartman’s Heart Breakers, qui n’a enregistré qu’en Caroline du Nord en 1936-1937, ne laisse qu’une poignée de disques aux paroles osées, débitées par une chanteuse faussement ingénue. Ces enregistrements étaient distribués presque sous le manteau et limité à la région où le groupe était connu (un axe Charleston-Charlotte, entre les deux Etats « caroliniens »). Pas de passage radio recensé, peu de photos… Les membres des Hartman’s Heart Breakers formaient un groupe de studio discret…peut-être pour ne pas être mis de côté après leurs participations à des disques aussi scabreux. Aujourd’hui très recherchés, ils sont une réponse musicale au puritanisme américain enraciné dans ces Etats.

Jazz alcoolisé

Durant la Prohibition, les alcools sont l’une des principales inspirations des musiciens. Leurs modes de vie en font des consommateurs en puissance. Beaucoup y laisseront leur foie et leur vie. Les termes moonshine (alcool de contrebande fabriqué au clair de lune), speakeasy (débit de boissons illégal), juke joint (bar de banlieue, fait de planches et de tôles) remplissent les catalogues des marques de disques. Le nombre incalculable de titres se rapportant à ce sujet prouve la place importante que tiennent ces produits, même durant la période d’interdiction. 

Du rêve éthylique (If the river was whiskey par Charlie Poole) à la gueule de bois du lendemain (Hangover blues par Una Mae Carlisle), toutes les phases et tous les aspects ont été chantés

Una Mae Carlisle en 1940
Una Mae Carlisle en 1940
© Getty - Afro Newspaper/Gado

Parfois, les jugs (cruches servant à servant l’alcool) deviennent même des instruments, lorsqu’elles ont été vidées. Les musiciens s’en servent comme des équivalents de tubas dans des orchestres faits de bric et de broc : les jug bands, qui furent à la mode à la fin des années 1920. Le Memphis Jug Band reste la référence en la matière. Son titre Cocaine Blues se trouve dans la première saison des Bad Boys. Pour cette deuxième fournée, retrouvez des morceaux enregistrés en pleine Prohibition (Speakeasy) et des titres moins anciens, du jazz déjà mâtiné de rock (Drunk).

Programmation musicale

Cab Calloway "The Most Important Recordings of Cab Calloway"
The man from Harlem (anonyme)
Cab Calloway & His Orchestra
Official

The Most Important Recordings of Cab Calloway
The Most Important Recordings of Cab Calloway

Frank Trumbauer & His Orchestra
Deep Harlem (Eddie Condon, Frank Signorelli, Matty Malneck)
Frank Trumbauer (C-Melody saxophone, saxophone alto), Andy Secrest (cornet), Harry Goldfield (trompette), Bill Rank (trombone), Charles Strickfaden (saxophone alto), Izzy Friedman (clarinette, saxophone ténor), Min Leibrook (saxophone basse), Joe Venuti (violon), Roy Bargy (piano), Eddie Lang (guitare), George Marsh (batterie)
78 tours Okeh

Deep Harlem
Deep Harlem

Louis Armstrong "BD Music Presents Louis Armstrong"
Mahogany Hall Stomp (Williams)
Louis Armstrong & His Dixieland Seven : Louis Armstrong (trompette), Kid Ory (trombone), Barney Bigard (clarinette), Charlie Beal (clarinette), Bud Scott (guitare), Red Callender (basse), Minor Hall (batterie)
BD Music

BD Music Presents Louis Armstrong
BD Music Presents Louis Armstrong

Billie Holiday, Louis Armstrong "B.O. New Orleans"
Farewell to Storyville Billie Holiday (voix), Louis Armstrong (trompette), Barney Bigard (clarinette), Edward "Kid" Ory (trombone), Bud Scott (guitare), Charlie Beal (piano), George "Red" Callendar (basse), "Zutty" Singleton (batterie)
Giants of Jazz

B.O. New Orleans
B.O. New Orleans

Hartman's Heart Breakers
Feels Good
Betty Lou (voix)
78 tours Bluebird

Hartman’s Heart Breakers
Hartman’s Heart Breakers

Fats Waller "Fats Waller & His Rhythm"
Whitechapel (Fats Waller)
Fats Waller (piano)
Milan

Fats Waller & His Rhythm
Fats Waller & His Rhythm

Marthe Ferrare
L'hôtel du sommeil tranquille
Orchestre dirigé par Victor Alix (collection D. Silverstre)
78 tours Pathé

Marthe Ferrare
Marthe Ferrare

Charlie Poole "American Epic"
If the River Was Whiskey Charlie Poole & the North Carolina Ramblers
Sonny Legacy

American Epic
American Epic

Jimmy Liggins
I Ain't Drunk
Jimmy Liggins (voix)
45 tours Aladdin

Jimmy Liggins
Jimmy Liggins

Jimmy Liggins and His 3-D Music "Jumping the Shuffle Blues"
Drunk (Jimmy Liggins)
Fantastic Voyage

Jumping the Shuffle Blues
Jumping the Shuffle Blues

Hot Lips Page
Last Call for Alcohol
Oran "Hot Lips" Page (voix, trompette)
45 tours King

Hot Lips Page
Hot Lips Page

Clarence Williams & His Orchestra
Speakeasy
Ed Allen (cornet), Clarence Williams (piano)
78 tours Broadway (collection F. Yougwerth)

Clarence Williams & His Orchestra
Clarence Williams & His Orchestra

Robert Cray "Bad Influence"
I Got Loaded (B. Camile)
Robert Cray (voix, guitare), Richard Cousins (basse), Mike Vannice (claviers, saxophone ténor), David Olson (batterie)
Demon

Bad Influence
Bad Influence

Una Mae Carlisle & Her Jive Band "Ladies Sing the Blues"
Hangover Blues
Una Mae Carlisle (voix, piano), Dave Wilkins (trompette), Bertie King (clarinette, saxophone ténor), Alan Ferguson (guitare), Len Harrison (basse), Hymie Schneider (batterie)
ASV

Ladies Sing the Blues
Ladies Sing the Blues

Ike Turner and his kings of rhythm "Roll Your Money Maker - Early Black Rock'n Roll 1948-1958"
She Made My Blood Run Cold (Ike Turner)
Trikont

Roll Your Money Maker
Roll Your Money Maker

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