Ivry Gitlis, une légende s’en est allée

"J'ai déjà dit qu'un artiste, pour moi, c'est quelqu'un qui marche avec une désinvolture royale sur une corde raide, les yeux bandés dans le noir, et qui ne tombera pas. Maria Callas était ainsi. Vivre dans un monde où l'on ne peut pas faire une fausse note ou une erreur ... Un critique vient, juge, mais qui est-il pour juger ? La seule chose qui est parfaite, c'est la mort. Ce n'est tout de même pas le but de la vie.

On parle toujours de "perfection". Quelle perfection ? Je préfère une fausse note de Kreisler à tous les violonistes dits "parfaits". Les disques et les versions dites "définitives" me font peur. J'ai l'impression que cela veut dire que l'interprète a tué l'oeuvre pour de bon. Entre un enregistrement parfait de tel ou tel chef d'aujourd'hui et un autre imparfait de Toscanini, je préfère Toscanini. Parce que Toscanini était un homme. Un homme qui a dit "merde" à Mussolini."

Ivry Gitlis dans son ouvrage "L'âme et la corde", p. 228