Faust de Gounod

Emission enregistrée jeudi 25 février 2021 au Théâtre de l' Alliance française à Paris.

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compte-rendu:

Un cocktail vocal puissant, frappé d’un invraisemblable sabir : le trio Corelli/Sutherland/Ghiaurov détonne ! Ajoutez-y un chef complaisant, et vous aurez un Gounod atypique… mais qui se savoure à sa façon. 

A nouveau un casting de luxe, avec un Faust robuste (Domingo) qui lorgne vers le Trouvère. Si les accents italien, bulgare et espagnol fleurissent, le texte est intelligible et l’engagement tel que le drame s’enflamme. Et puis le métier et la générosité de Prêtre emportent tout sur leur passage, grâce à une troupe de l’Opéra de Paris aux petits oignons. 

Voici Faust tel qu’à sa création en 1859 : un opéra-comique avec dialogues et mélodrames, sans Veau d’or ni Chœur des Soldats. Les instruments anciens gomment le vernis déposé par des décennies de tradition, Christophe Rousset avivant la palette et guidant un chœur d’une belle clarté. Benjamin Bernheim cisèle un Faust tout en retenue, mais Véronique Gens, voix lourde en Marguerite, et Andrew Foster Williams en Méphisto, semblent plus effacés. A connaître néanmoins. 

Le grand classique (mono) du studio dirigé avec énergie et poésie par André Cluytens offre un duo d’une suprême élégance, Nicolai Gedda, jeune premier et vrai amoureux, ourlant sa ligne de chant d’impalpables dynamiques dans une Cavatine de rêve, tandis que les mêmes qualités de français s’imposent chez la Marguerite si naturelle de Victoria de los Angeles. Entre eux, le Méphistophélès de Boris Christoff, basse profonde au creux légendaire, qui croque un diable d’opéra-comique plus drôle qu’effrayant – et cet accent ! Comme tout cela marche formidablement ! 

Nous sommes sur la scène du Covent Garden de Londres en 2004, dans un spectacle de David McVicar façon Boulevard du crime, avec le duo Alagna / Gheorghiu à son zénith. On aime le Faust impérial et solaire du ténor, d’une variété d’expression et d’une beauté de timbre à se damner, face à une Marguerite à la voix cristalline, musicienne raffinée et toujours en situation. Et quel punch dans la direction de Pappano! Hélas Bryn Terfel râle trop son Méphisto, surchargeant la ligne d’effets incongrus : tout ce que l’énergie du live pardonne, mais qui parait scories à la seule écoute. Vivifiante expérience pourtant ! 

La version de Michel Plasson, c’est d’abord la réunion de trois voix phénoménales, au français exemplaire. Cheryl Studer chante autant qu’elle vit Marguerite, aigus radieux, tenue idéale, face à un Richard Leech d’excellente école, Faust juvénile phrasant avec goût. Cerise sur le gâteau, le Diable grand seigneur de José Van Dam est le maitre du verbe et du sous-entendu : on se régale. Le tout discipliné par un chef vibrant, lyrique, précis, et des forces toulousaines portant le chef-d’œuvre de Gounod au pinacle.

palmarès:

N°1
Version E
Richard Leech, Cheryl Studer, José van Dam, Thomas Hampson, Chœurs et Orchestre du Capitole de Toulouse, dir. Michel Plasson (Warner, 1991) 

N°2
Version D
Roberto Alagna, Angela Gheorghiu, Bryn Terfel, Simon Keenlyside, Chœurs et Orchestre du Covent Garden de Londres, dir. Antonio Pappano (DVD Warner, 2004) 

N°3
Version C
Nicolai Gedda, Victoria de los Ángeles, Boris Christoff, Jean Borthayre, Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris, dir. André Cluytens (EMI, 1953) 

N°4
Version F
Benjamin Bernheim, Véronique Gens, Andrew Foster-Williams, Jean-Sébastien Bou, Chœur de la Radio flamande, Les Talens lyriques, dir. Christophe Rousset (PBZ, 2018) 

N°5
Version A
Plácido Domingo, Mirella Freni, Nicolaï Ghiaurov, Thomas Allen, Chœurs et Orchestre de l’Opéra de Paris, dir. Georges Prêtre (Warner, 1979)   

N°6
Version B
Franco Corelli, Joan Sutherland, Nicolaï Ghiaurov, Robert Massard, Ambrosian Opera Chorus, London Symphony Orchestra, dir. Richard Bonynge (Decca, 1966)