Islamey de Balakirev & Toccata op.11 de Prokofiev
Bertrand Boissard, Alain Lompech et Aurélie Moreau élisent les versions de référence d’Islamey de Mili Balakirev et de la Toccata de Serge Prokofiev.
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I) Islamey, de Balakirev
compte-rendu:
Si la prise de son joue en sa défaveur, l’Islamey de Cziffra nous prive surtout de magie et montre trop les mécanismes de l’œuvre.
Epoustouflant, Gary Graffman colore son clavier à bon escient, mais ficèle l’ensemble de manière trop pesante et marquée.
Sur un tempo fou, Boris Berezovsky se lance dans un exercice de pure virtuosité : hélas cette mise au point de génie retire à Balakirev ses arrières plans et ses pensées voyageuses que d’autres savent y mettre.
On trouve à Bernard Ringeissen une véritable éloquence, grand seigneur faisant montre d’une belle hauteur de vue, qui s’amuse et se déchaine sans trop le montrer.
Mikhaïl Pletnev et Alexandre Kantorow hissent Islamey au sommet : le maître russe, dans un live halluciné, livre une expérience sans retour, cinglant, lumineux, lame de fond renversante et voyage de tous les possibles.
Le jeune Kantorow se jette, lui, à corps perdu dans la partition : sa réalisation digitale est au-delà de la perfection, et l’imagination sonore impressionne, avec ses aigus de cristal et ses basses d’airain, relayée par une amplitude dynamique exceptionnelle. Derrière sa lecture scrupuleuse de la partition, la liberté jaillit à chaque mesure, et c’est Balakirev qui est réinventé.
palmarès:
N°1 (Version C)
Alexandre Kantorow (Bis, 2016)
N°2 (Version A)
Mikhaïl Pletnev (DG, 2000)
N°3 (Version E)
Bernard Ringeissen (Ades, 1990)
N°4 (Version F)
Boris Berezovsky (Teldec, 1994)
N°5 (Version D)
Gary Graffman (Sony, 1962)
N°6 (Version B)
György Cziffra (EMI, 1957)
2) Toccata de Serge Prokofiev
compte-rendu:
Prosaïque, mécanique, autoritaire : Matti Raekallio n’a pas grand-chose à dire dans sa Toccata, qui trahit par ailleurs de petites gênes digitales.
A lui seul Samson François créé un monde : son Prokofiev, quoique distant, avance tout de même sans en avoir l’air. Hélas, le son est un peu grêle et l’ensemble manque de démesure.
Rien à dire, la Toccata de Byron Janis est magistrale. Ronde, pleine, décidée... confortable. Où sont le danger, la folie, la menace ?
Le Prokofiev de Martha Argerich offre « tout le confort moderne » lance un tribun, impeccable à coup sûr, et ménageant des instants de douceur plaintive inattendue. Mais l’urgence et la panique se font désirer. On aura mieux.
Quelle onde de choc ! Vladimir Horowitz joue sa vie dans cette Toccata d’une violence insoutenable mais toujours sous contrôle. C’est une fournaise, un char d’assaut, un foisonnement de détails abrupts et belliqueux qui nous font revivre le choc inouï de l’œuvre à sa création.
Qui aurait attendu que Freddy Kempf réinvente pareillement ce monument ? Rien de lourd ni de démonstratif sous ses doigts d’acier, mais un esprit grivois, des rebonds joueurs qui parsèment un déchainement affolant. Badin, le début semble un feu de pétards, tandis que la fin frôle l’envolée cosmique.
palmarès:
N°1 (Version D)
Freddy Kempf (Bis, 2001)
N°2 (Version B)
Vladimir Horowitz (Sony, 1947)
N°3 (Version C)
Martha Argerich (DG, 1960)
N°4 (Version A)
Byron Janis (Mercury, 1962)
N°5 (Version F)
Samson François (Erato, 1954)
N°6 (Version E)
Matti Raekallio (Ondine, 1997)