Débat sur l'avenir du disque classique : "Le basculement vers le numérique n’est pas encore effectué"

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Quel avenir pour le disque face à la dématérialisation ? Saskia de Ville et Antoine Pecqueur ouvrent le débat en compagnie de Denis Ladegaillerie (PDG et fondateur de Believe Digital), Christian Girardin (directeur de production chez Harmonia Mundi), Malcolm Ouzeri (responsable marketing de Qobuz) et Adrien Aumont (co-fondateur de Kiss Kiss Bank Bank).

► Denis Ladegaillerie : Believe
► Christian Girardin : Harmonia Mundi
► Malcolm Ouzeri : Qobuz
► Adrien Aumont : Kiss Kiss Bank Bank

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Un déclin du disque relatif

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S’il est bien menacé par la dématérialisation de la musique, le disque est loin d’avoir disparu. « Cela dépend en fait des marchés, relève Denis Ladegaillerie de Believe Digital. *Aux Etats-Unis, oui, le CD est mort : 90% de la musique se vend aujourd’hui sous forme numérisée. Mais si on prend le cas de l’Allemagne, où la population est plus âgée, le marché diffère et le CD représente encore 70% des ventes * ».

L’industrie du disque résiste, et en particulier sur le marché de la musique classique : « en France, 90% du chiffre d’affaire de la branche classique est encore réalisé par les ventes CD ». Auditeurs et musiciens sont attachés à l’objet. Christian Girardin note ainsi que les ventes de son label Harmonia Mundi restent stables. Quant aux artistes, le disque joue pour eux le rôle de carte de visite. «* Le disque témoigne de la capacité d’un musicien à construire un projet conceptuel * », expliquait le pianiste Ivan Illich au micro de Jean-Baptiste Urbain.

Croissance du streaming et du téléchargement

SelonChristian Girardin, « les auditeurs de musique classique se sont mis récemment à l’écoute en streaming (ndlr : le streaming est la lecture en ligne de la musique, par opposition au téléchargement). Mais c’est à nous de trouver de nouvelles formes attractives, car les consommateurs ne sont pas encore tout à fait satisfaits ».

Des nouvelles formes de consommation dématérialisée auxquelles s’intéresse la plateforme Qobuz et son responsable marketing Malcolm Ouzeri : «* le téléchargement va permettre de répondre aux exigences de ceux qui sont encore attachés au disque, en particulier en ce qui concerne la musique classique : la qualité audio, le livret, le concept-album et la possession permanente * ».

Si «le basculement vers le numérique pour la musique classique n’est pas encore effectué * », c’est également, d’après Denis Ladegaillerie, parce que les plateformes d’écoute en ligne s’adressent avant tout aux jeunes : « la moyenne d’âge en France des auditeurs de Deezer est de 26 ans* », rappelle le président de Believe Digital.

De nouveaux enjeux pour l’artiste

« Ce qui fait vivre notre maison Harmonia Mundi ce n’est pas le disque : c’est la musique. Notre métier est avant tout de faire vivre les musiciens », insiste Christian Girardin. Or s’il est difficile pour une plateforme de musique en ligne de générer des revenus à partir du streaming et du téléchargement, la tâche devient quasi impossible pour les artistes.

Le modèle prédominant aujourd’hui est celui de la licence : le musicien finance lui-même la production de ses enregistrements et son label se charge de son accompagnement et du marketing. Un fonctionnement défavorable aux artistes qui fera, d’après Denis Ladegaillerie, évoluer leurs modes de production: «* les artistes classiques produiront de moins en moins d’albums mais davantage de pistes. Ils fonctionneront par plages musicales * ».

Vers l’autoproduction

Échapper aux diktats des majors, jouir d’une plus grande liberté de création, adopter une ligne éditoriale singulière… les arguments en faveur de l’autoproduction des artistes sont nombreux, et les plateformes numériques d’autofinancement aussi. «Les artistes n’ont jamais eu autant d’outils en main pour financer leur musique, relève Adrien Aumont, cofondateur de la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank.* Cela leur permet de créer une relation émotionnelle directe avec leur communauté* ».

De quoi rester optimiste, donc, comme Denis Ladegaillerie : « on observe deux grandes tendances pour les dix prochaines années : l’adoption accélérée du streaming et l’augmentation du revenu des artistes sur ces plateformes dématérialisées ».

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