World Sacred Spirit Festival à Jodhpur

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Pour sa chronique, Hind Meddeb part à la rencontre des "Manganiyar" du Rajasthan à l'honneur du World Sacred Festival à Jodhpur.

Jodhpur est une ville fortifiée accrochée à une colline, surnommée la ville bleue, l’architecture et le site au cœur du désert du Rajasthan lui donne un charme fou. Le Festival "World Sacred Spirit Festival" se tient dans le Fort de Mehangarth, les concerts se déroulent dans les jardins, au bord d’un lac au pied d’un temple bouddhiste et dans les différentes dépendances du fort.

Premier concert au lever du soleil et dernier concert jusque tard dans la nuit. La lumière change, les atmosphères aussi. Ce qui donne une magie toute particulière à ce festival c’est le site où il se déroule. Le Fort appartient encore à la famille du Maharadja de Jodhpur qui est l’hôte de cet événement dont il est l’instigateur.

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Cette année, des musiciens ont fait le voyage de France, du Maroc, d’Iran, de Chine et du Bhutan. Le directeur artistique du festival est un français, il s’appelle Alain Weber et depuis des années, il cultive une passion pour les Manganiyar et les Langas, musiciens issus d’une caste musulmane du Rajasthan, ils viennent de la région de Jailsamer. Il a enregistré avec eux l’album « Musicians and Poets of Rajasthan ». La voix et la performance musicale des Manganiyar est telle qu’ils sont chaque année au centre de la programmation.

Cette année, ils ont joué aux côtés de Cherifa, cheikha venue de l’Atlas marocain mais ils ont aussi accompagnés les Iraniens de la formation « Nour ».

Je vous propose de découvrir la voix de Mame Khan qui interprète le morceau Lolee pour vous rendre compte de l’immense technique vocale véhiculée par la tradition « Manganiyar » :

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Les Manganiyar font partie d’une caste musulmane. On dit d’eux qu’ils sont les ancêtres des gypsies de Roumanie. Et on remarque dans les harmonies et la musique de nombreuses similitudes entre la musique Manganiyar et la musique rom.

A l’époque médiévale, lorsque le Rajasthan était sous domination musulmane après les invasions moghols, les Manganiyar étaient sous la protection des princes musulmans ; puis avec la fin de l’occupation moghol, ils sont passés au service des maharajah. Ils sont à la fois fidèles à la tradition soufie musulmane mais chantent aussi pour les dieux hindous. Ils puisent leurs inspirations dans la poésie médiévale qu’elle soit de tradition hindoue ou de tradition musulmane, venant d’Afghanistan, d’Azerbaïdjan ou même d’Iran. Ils font donc le lien entre civilisations islamique et hindoue et leur musique est le fruit de tous les brassages et métissages dont le Rajasthan a été le réceptacle.

Ils interprètent aussi des chants du désert et sont capables de toutes les improvisations.

Ils chantent pour les grandes occasions : mariages, funérailles, fêtes religieuses. Ils sont entretenus par les princes en exercice ou les riches commerçants de la région ;

On est manganiyar de père en fils, la musique est transmise sous forme de savoir oral dès leur plus jeune âge aux enfants.

Ils sont des milliers à pratiquer cette musique à un très haut niveau dans leurs villages. Aujourd’hui, ils ont de plus en plus de difficultés à exercer leur art : les enfants vont désormais à l’école, ils n’ont plus le temps de se consacrer autant à la musique qu’autrefois;

Autre difficulté pour la nouvelle génération : les mécènes manquent. Avec l’évolution de la société indienne et la fin du règne des Marahadjas après l’indépendance de l’Inde, ils doivent se contenter des commandes des notables locaux, les sommes qui leur sont attribuées ne sont pas assez importantes, certains abandonnent leur carrière musicale pour exercer d’autres métiers.

On vient d’entendre un extrait de l’album « The Manganiyar Seduction »

En 2006 naît le groupe Divana sous l’impulsion du metteur en scène de théâtre Roysten Abel ; 40 musiciens Manganiyar, parmi les meilleurs, se retrouvent réunis sur scène, ils vont faire le tour du monde des festivals avec leur spectacle « The Manganiyar Seduction ».

« Divana » veut dire « crazy », « fou », l’idée pour eux avec ce groupe était aussi de sortir de la pure tradition pour aller vers plus d’invention.

Les Manganiyar sont aussi très célèbres pour leur capacité à manier les percussions et en particulier les « khartal » sorte de castagnettes qui sont utilisées pour rythmer le morceau, l’un des plus grands joueurs de khartals s’appelle Ghazi Khan et lorsqu’il est sur scène, il devient un véritable chef d’orchestre qui fait le lien entre les musiciens, les moments de chants et les solos instrumentaux.

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