Eddy Louiss, histoires sans paroles (3/4)

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Eddy Louiss, l’orgue céleste.

Présenté par Alex Dutilh

On l’a longtemps cru organiste, au firmament de son instrument, il était par dessus tout musicien. Catégorie enchanteur, de ceux qui vous font chavirer de bonheur. Vocaliste, pianiste, compositeur de mélodies entêtantes, leader charismatique, accompagnateur généreux et bien sûr organiste au long cours. Eddy Louiss, vient de disparaitre au seuil de l’été, le 30 juin dernier. Il venait d’avoir 74 ans.

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Dans Le Monde, du 2 juillet, Francis Marmande commençait ainsi son hommage : « L’un de ses albums s’appelait « Sang mêlé » (1987). La beauté du métis. Quand Eddy s’installait à l’orgue – le roi de l’instrument, l’orgue Hammond B3 –, quoi qu’il jouât, * So What ou * Colchiques dans les prés*, c’était un ouragan sans l’ombre de méchanceté, un éléphant amoureux de Nijinski, Berlioz en fanfare plus la biguine, c’était la joie du jeu, la colère du bonheur et tous les blues réinventés. Fils de Pierre Louiss (Pierre Louise, guitariste et trompettiste martiniquais, 1908-1986), né à Paris le 2 mai 1941, Eddy Louiss (de son nom d’état-civil Edouard Louise), musicien essentiel, voix de l’orgue chez Claude Nougaro (entre 1964 et 1977), vocaliste acrobate pour le légendaire groupe des Double-Six de Mimi Perrin, orchestré par Quincy Jones, personnalité non conforme, est mort mardi 30 juin, au CHU de Poitiers, des suites d’une opération de la cataracte. * »

On retrouvera sa biographie détaillée sur le site du label Dreyfus Jazz, pour lequel il signera ses derniers très grands albums. Pour reconstituer sa trajectoire, il faut plonger dans les nuits des clubs parisiens des années 60 dont n’émerge aujourd’hui qu’une infime partie de l’iceberg. C’est là que se forgea sa profonde passion du jazz c’est là aussi qu’il fit ses premiers pas de géant à l’orgue, un instrument au travers duquel il respirerait désormais c’est là qu’il revint toujours au port après ses escapades en studio pour accompagner quelques futures icônes de la chanson française (Gainsbourg, Nougaro, Barbara …) c’est là qu’il se frotta à ceux dont le jazz piquait aux oreilles pour immortaliser quelques sets ou sessions d’anthologie en compagnie de Jean-Luc Ponty et Daniel Humair (le trio HLP ), de Kenny Clarke et René Thomas (trois improvisibles), d’un Stan Getz à faire fondre ce qui reste de banquises, deStéphane Grappelli, d’**Ivan Jullien ** qui lui offrit un concerto pour orgue avec Porgy and Bess

Après une escapade africaine, on retrouvera un Eddy Louiss leader aux mains de caoutchouc, ramenant dans ses bagages le batteur Paco Séry, pour une collaboration aussi sidérante que celle de Tony Williams et Larry Young vingt ans plus tôt. Bientôt, il tournera le dos à la virtuosité pour lui préférer le souffle de l’enthousiasme au cœur de sa Multicolor Feeling Fanfare. Mais l’ivresse des dialogues au sommet le reprendra avec Michel Petrucciani ou Richard Galliano, avec qui il partagera son lyrisme extraverti. Il lui faudra encore accomplir un pèlerinage à La Nouvelle Orléans, le paradis des musiques métisses, comme pour mieux souligner la part martiniquaise de ses racines.

Excessivement groovy, excessivement lyrique, excessivement imprévisible, excessivement évident, indissolublement body and soul, le portrait d’Eddy Louiss en 4 épisodes de Jazz été :

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