Iasnaïa Poliana, l’école de Tolstoï

Tolstoï et Retour de l'école - Gavriil Fyodorovich Rybakov
Tolstoï et Retour de l'école - Gavriil Fyodorovich Rybakov
Tolstoï et Retour de l'école - Gavriil Fyodorovich Rybakov
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En 1849, devenu propriétaire du domaine de Iasnaïa Poliana, Léon Tolstoï fonde pour la première fois une école. Mais à 21 ans, il n‘est pas encore prêt....

Derrière la porte de l’école n°2 de Iasnaïa Poliana ou « la clairière lumineuse», demeure le souvenir de l’immense écrivain russe, Léon Tolstoï. Protégée par les paysans du village lors de la révolution de 1917 et pendant la seconde guerre mondiale, Iasnaïa Poliana est le point d’ancrage du grand homme, de son inspiration et de ses engagements.

L’éducation du peuple

Dès sa jeunesse, Léon Tolstoï souhaite s’impliquer dans  l’éducation du peuple. Il abandonne ses propres études de langues orientales et de droit, pour se préoccuper de l’instruction du peuple. Jusqu’à la fin de sa vie où ses réflexions spirituelles viendront nourrir sa pensée éducative, Tolstoï fait de cette préoccupation un objet de recherche permanent. Dans son premier ouvrage, Les Quatre étapes du développement, il décrit le processus de formation  du caractère de l’homme. En 1849, il fonde pour la première fois une école. Mais cette première expérience lui montre l’impératif de posséder de sérieux outils pédagogiques. A 21 ans, il n’est pas encore prêt. Il lui faut  découvrir les expériences pédagogiques menées dans d’autres pays que le sien.

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Mais  entre 1852 et 1857 il décide de s’engager dans l’armée du Caucase auprès de son frère. Là, il rédige la série de nouvelles autobiographiques, Enfance, Adolescence et Jeunesse. Tolstoï y étudie l’univers spirituel de l’enfant, de l’adolescent puis du jeune homme. Leurs émotions, leur développement moral. L’écrivain, l’enfant sans doute,   regarde vivre, s’interroge et livre dès lors une profonde analyse psychologique. Tolstoï y révèle déjà, la pierre angulaire de ses recherches pédagogiques : le respect de la personnalité de l’enfant.

Après cinq années de guerre dans le Caucase,  il retourne à Iasnaïa Poliana. Tolstoï se préoccupe alors du sort des paysans dont il a la charge. Il ressent et respecte en eux une authenticité qu’il ne trouve pas dans les milieux de la haute société, dont il est issu. Tolstoï espère découvrir de véritables valeurs. Donner un sens à sa vie et rechercher une voie pour l’humanité. Selon le principe de liberté qui lui est cher, il veut laisser aux enfants de paysans, les petits Moujiks comme il aime les appeler, le choix de la « voie du progrès qu’il leur plaira » … Mais  le servage n’est pas encore abolit et il se heurte à l’incompréhension des paysans.  Alors il revient à l’idée de la nécessité d’éducation. Tolstoï entreprend en 1857 son premier voyage en Europe. Il visite des institutions en Allemagne, en France, où il découvre une méthode pour apprendre à lire les notes de musique sans aucun apprentissage. Inspirée en effet de La dissertation sur la musique de Rousseau, elle dissocie l’enseignement du rythme de celui de la mélodie. « J’ai vu, à Paris, témoigne-t-il, des centaines d’ouvriers aux mains calleuses assis sur des bancs sous lesquels étaient déposé l’outil rapporté du chantier, déchiffrant à pleine voix, comprenant les règles de la musique et s’y  intéressant ».  En Angleterre,  il assiste à une conférence de Charles Dickens sur l’éducation. La Public School ou école d’enseignement secondaire, offre à Tolstoï un exemple d’établissement très supérieur à tout ce qu’il a vu jusqu’alors. C’est l’esprit de la réforme qui, en respectant la liberté de l’individu, donne à ces écoles leur caractère particulier. Il se rend aussi en Italie, en Belgique et en Suisse. Il visite des écoles, rencontre des enseignants, collecte des documents pédagogiques, des ouvrages théoriques et des textes d’enfants. Mais il constate surtout que l’enseignement est fondé sur la répétition méthodique. Apprentissage du par cœur systématique.  

Et enfin, le coup de fouet. Tolstoï en est particulièrement choqué. « Le bâton constituerait-il l’essence de la pédagogie ? » s’interroge-t-il dans son Journal. Tolstoï est persuadé qu’avec de telles méthodes, on ne peut que déformer l’esprit des enfants. Influencé par les idées pédagogiques de Rousseau, il conçoit le projet d’une éducation sans contrainte morale et physique.

Tolstoï un éducateur d’un nouveau genre

Selon Tolstoï, le rôle de l’éducateur est avant tout d’éveiller la curiosité de ses élèves, de les aider à s’épanouir. Le succès de son expérience l’encourage à créer d’autres écoles dans les villages voisins. Il recrute pour cela des étudiants de Moscou, qui très rapidement, sont formés aux méthodes du pédagogue Tolstoï. Il n’y a pas de notes, pas de classements. En classe, la méthode la plus souvent utilisée n’est pas le cours, au sens général du terme, mais des entretiens à bâtons rompus avec les élèves.

A Iasnaïa Poliana les enfants ne sont jamais punis. Ni pour leur conduite, ni pour leurs mauvaises notes. Le respect de la personnalité de l’élève implique en effet qu’il prenne conscience lui-même, sans punitions et sans contraintes, de la nécessité de se soumettre à une certaine discipline. Indispensable au succès de l’enseignement. Tolstoï et les instituteurs de son école encouragent l’indépendance, développent leurs aptitudes créatrices et veillent à ce qu’ils assimilent consciemment et activement les connaissances. Les tâches des enseignants sont beaucoup plus complexes que dans une école traditionnelle. Sans horaire fixe, ni discipline contraignante assortie de récompenses et punitions, l’instituteur est soumis à une tension morale et intellectuelle constante. A tout moment il doit tenir compte de l’état et des possibilités de chacun de ses élèves. Au regard de Tolstoï, la pédagogie ne doit pas exister pour satisfaire le pédagogue. Encore moins pour répondre à des intérêts d’ordre politique, économique ou religieux. Elle ne doit pas partir d’une théorie, mais s’appuyer sur l’observation, l’écoute attentive des besoins des enfants et en particulier ceux des enfants des paysans. A l’instar de Rousseau, Tolstoï croit que la nature est bonne.

Le principe de liberté est alors l’axe fondamental de l’action pédagogique de Tolstoï. Éduquer le peuple, c’est l’éduquer à la liberté. Aujourd’hui, à Iasnaïa Poliana, le directeur de l’école n°2 cherche toujours à développer chez les enfants ; l’intelligence, la volonté et la sensibilité.

Programmation musicale

Piotr Ilitch Tchaïkovski
Valse sentimentale - arrangement pour violon et piano
Daniel Lozakovich (violon)
Stanislav Soloviev (piano)
DGG 4836086

John Field
Nocturne pour piano n°13 en ré min
Benjamin Frith (piano)
Naxos 8.550762

Nikolaï Rimski-Korsakov
La légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia : Prélude - Hymne à la nature
Orchestre National de Russie
Mikhaïl Pletnev (direction)
Penta Tone Classics PTC 5186 362

Piotr Ilitch Tchaïkovski
Quatuor à cordes n°1 en Ré Maj op 11 : Andante cantabile
Quatuor Heath
Harmonia Mundi 907665

Nikolaï Rimski-Korsakov
Le coq d'or, Suite d'orchestre : 3. Le roi Dodon et la reine Chemakha
Philharmonia Orchestra
Efrem Kurtz (Direction)
EMI 5680982

Serge Prokofiev
Guerre et paix op 91 : Valse
Violons du théâtre Bolchoï
Irina Stcherbina (piano)
Julij Rejentovich (direction)
Sonia Classic CD 74401

Modeste Moussorgski
Tableaux d'une exposition : 5. Ballet des poussins dans leur coque - pour orchestre
Orchestre Philharmonique de Berlin
Igor Markevitch (direction)
DGG 00289 479 1049/11

Sergueï Rachmaninov
Concerto pour piano n°2 en ut min op 18 : 2. Adagio sostenuto
Philharmonia Orchestra
Hélène Grimaud (piano)
Vladimir Ashkenazy (direction)
Teldec 8573-84376-2

L'équipe

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