Jean Sibelius : Symphonie n°1 en mi mineur op 39

Klaus Mäkelä ©Radio France
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Jean Sibelius : Symphonie n°1 en mi mineur op 39
41 min
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Jean Sibelius : Symphonie n°1 en mi mineur op 39

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L’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Klaus Mäkelä interprète la Symphonie n°1 en mi mineur op 39 de Jean Sibelius. Extrait du concert donné le 6 mars 2020 à l’Auditorium de la Maison de la Radio à Paris.

La Première Symphonie représente un moment charnière. C’est la première œuvre où Sibelius se dégage d’une inspiration aux couleurs nationales (qui est le modèle de toute la musique de la fin du XIXe  siècle, des Russes aux Tchèques ou même à Wagner et aux musiciens français…), après les topismes des frimas nordiques, après Kullervo ou Finlandia, pour viser à une structure musicale abstraite, sans aucun recours programmatique. Elle scelle aussi l’amorce d’une grande ambition : la forme symphonique, projet de toute une vie créatrice et part essentielle du compositeur, avec sept symphonies (et une Huitième laissée en suspens) qui le consacrent comme l’un des grands symphonistes de l’Histoire de la musique. 

La Première Symphonie se place donc encore sous l’aile protectrice de devanciers, Bruckner ou Dvořák, avec aussi des rappels de Tchaïkovski et Borodine : pour le premier, dans le final qui évoquerait irrésistiblement celui de la Pathétique, et un thème qui semble emprunté au second, dans le mouvement initial (bien que Sibelius ait déclaré qu’au moment de sa symphonie, il ignorait la Première de Borodine). Augurant d’une sorte de musicien à la manière russe ; puisque, ne l’oublions pas, la Finlande était en ces temps un grand-duché intégré à la couronne des tsars. Sachant que très vite, Sibelius dépassera ces références formatrices pour atteindre un art qui n’appartient qu’à lui. Mais le premier mouvement, dans sa concentration et son élan, est déjà du Sibelius tout entier irréductible. C’est ainsi, à la croisée de différents chemins, que la Première Symphonie figure toujours l’une des partitions les plus populaires de Sibelius (avec le Concerto pour violon, l’inévitable Valse triste et, dans une moindre mesure, Finlandia). 

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À la suite d’un douloureux solo de clarinette (ajouté en 1900 et absent de la version originale) soutenu par les timbales en sourdine (toute une signature !), des traits fulgurants des cordes lancent un thème profond. Des rythmes des bois, comme des feux follets scintillant dans la nuit, font transition évocatrice, avant un ostinato martelé. Le Sibelius, incomparable, celui de la maturité, est déjà bien présent ! Le mystère de timbales ponctuées de cuivres couleur sang, mène à un pizzicato de cordes  10 11 tournoyantes (annonciatrices de la Septième Symphonie). La montée en puissance devient inexorable, dans l’attente d’une improbable péroraison. Mais une chute abrupte interrompt le discours sur d’énigmatiques pizzicatos. 

Après la fougue du premier mouvement, l’Andante se fait nostalgique, apaisé. La tension réapparaît un instant, pour laisser ensuite s’exprimer des bois champêtres. Le beau thème d’entrée revient, en forme de méditation, avant que s’en mêle un tourbillon des cordes (très tchaïkovskien), pour finir dans le calme du retour au thème initial. 

Le Scherzo, à sa place traditionnelle, semble reprendre la manière dont Bruckner utilise ce type de mouvements aux assises rythmiques bien terriennes, jusqu’à une coda précipitée. Au centre du mouvement, de façon ici aussi traditionnelle, le trio prend des accents fantomatiques dans des tonalités équivoques. 

Le Final, sous-titré significativement « Quasi una fantasia », porte, lui, la marque indélébile de Tchaïkovski, avec ses cuivres impétueux, ses cymbales et percussions aux moments d’apogée, son thème récurrent d’un magnifique sentiment transporté (d’amour ?) et sa coda insistante. N’étaient deux pizzicatos conclusifs et inattendus, comme un rappel de la fin du premier mouvement. 

Pierre-René Serna (extrait du programme de salle)

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