Berg : Suite lyrique (version pour orchestre à cordes)

Daniel Harding ©Radio France
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Berg : Suite lyrique (version pour orchestre à cordes)
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Berg : Suite lyrique (version pour orchestre à cordes)

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L'Orchestre philharmonique de Radio France joue sous la direction de Daniel Harding la Suite lyrique, dans sa version pour orchestre à cordes, composée par Alban Berg.

La Suite lyrique est une œuvre romanesque, une confession déguisée. Conçue d’abord pour quatuor à cordes et dédiée à Zemlinsky (dont elle reprend la découpe en six mouvements de la Symphonie lyrique), elle fut arrangée quelque temps plus tard par Berg, à la demande de son éditeur, pour orchestre à cordes. Mais le compositeur ne retint alors, pour cette nouvelle version, que les deuxième, troisième et quatrième mouvements du quatuor original, se privant par là de l’enchaînement exacerbé (trois mouvements de plus en plus rapides alternant avec trois mouvements de plus en plus lents) qui était l’une des caractéristiques de l’œuvre originale.

Il est difficile également, dans cette version écourtée de moitié, de suivre les méandres du roman souterrain qui sous-tend la première version de la Suite lyrique. La partition en effet masque et révèle à la fois l’histoire d’amour qui lia le compositeur à Hanna Fuchs-Robettin, femme d’un industriel pragois et sœur de Franz Werfel, troisième mari d’Alma Mahler. En mai 1925, Berg habita un temps chez les Fuchs-Robettin, pour y entendre des fragments de Wozzeck donnés au Festival de Prague. Et là... On ne peut s’empêcher de penser à Wagner, vivant trop près de Mathilde et Otto Wesendonck. 

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Constantin Floros avait déjà fait observer, en 1975, que l’œuvre s’appuie sur un « programme ésotérique ». Mais c’est une partition annotée de la main du compositeur, que possédait Dorothea, la fille d’Hanna, qui leva définitivement le voile. En 1977, Dorothea montra cette partition au musicologue et compositeur George Perle, ainsi qu’onze lettres adressées par Alban à sa mère ; il ne restait plus à Perle qu’à éventer le mystère, ce qu’il fit dans un article devenu célèbre : « The secret programme of the Lyric Suite ». Entre temps (1976), Hélène, la femme légitime de Berg, venait de mourir. Douze ans après Hanna.

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Cette histoire, la Suite lyrique ne la raconte pas explicitement, mais l’évoque de manière cryptée. Dominique Jameux souligne que « l’œuvre est bâtie sur quatre lettres et deux nombres. Les initiales HFAB, soit si, fa, la, si bémol, sont partout présentes, et par exemple constituent la cellule initiale du troisième mouvement, celle de la coda du quatrième, tandis que leur place dans la série initiale correspond à des sons dont l’addition donne les chiffres 10 et 23. 10 est le chiffre d’Hanna (le total de l’âge de ses enfants !), et 23 comme on sait est le chiffre d’Alban. »

Architecture et sensualité : Berg est là tout entier. Sur le plan musical, la Suite lyrique est la première des œuvres de Berg à utiliser plenement le système dodécaphonique : « Cela m’aurait fait grande peine si ne n’avais pu m’exprimer musicalement de cette façon-là », écrit le compositeur à Schoenberg le 13 juillet 1926. Quant à l’arrangement pour orchestre à cordes (Schoenberg avait fait de même avec son sextuor La Nuit transfigurée, composé en 1899, arrangé en 1917 puis en 1943), il ne s’éloigne guère de la version pour quatuor, l’une des différences principales, outre la disparition de trois des mouvements, consistant en l’ajout des contrebasses. Celles-ci ne se contentent pas de doubler les violoncelles mais jouent des parties spécialement écrites par Berg à leur intention. 

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Le premier volet de la Suite pour orchestre à cordes, marqué Andante amoroso, est comme un prélude élégiaque. Le second, Allegro misterioso, crépite comme pourrait le faire un mouvement nocturne de Mahler ; le Trio estatico du milieu rappelle évidemment, dans son élan passionné, le propos qui est celui de Berg. La troisième partie de ce morceau reprend textuellement, mais en miroir, la première. Quant à l’Adagio appassionato final, on se contentera de rappeler qu’il cite une phrase de la Symphonie lyrique de Zemlinsky qui comportait ces paroles : « Du bist mein Eigen, mein Eigen » (« Tu es mon moi, mon propre moi »). Ou comment utiliser le thème d’un autre comme papier tournesol de sa propre musique.

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