Georges Auric : Phèdre, suite symphonique

Auric : Phèdre, suite symphonique (Mikko Franck / Orchestre philharmonique de Radio France)
Auric : Phèdre, suite symphonique (Mikko Franck / Orchestre philharmonique de Radio France)
Georges Auric : Phèdre, suite symphonique
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Georges Auric : Phèdre, suite symphonique

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L'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Mikko Franck joue la suite symphonique de Phèdre, composée par Georges Auric. Extrait du concert donné le 9 octobre 2019 à l'auditorium de la Maison de la Radio.

Né un mois après Francis Poulenc, le benjamin du groupe des Six, Georges Auric, fêta ses cinquante ans le 15 février 1949. Sa naissance à Lodève dans l’Hérault, puis son enfance et ses études à Montpellier lui laissèrent ce que Jean Cocteau appelait « un accent pointu », mais c’est à Paris que le musicien s’était formé, tout d’abord au Conservatoire, puis à la Schola Cantorum auprès de Vincent d’Indy qui lui enseigna la composition. Il n’avait que quatorze ans lorsque furent publiées ses premières critiques musicales, dont un article intitulé « Erik Satie, musicien humoriste » qui ravit le principal intéressé. Il fut ainsi admis au cercle des « Nouveaux Jeunes » qui allait former en 1917, autour de Satie, le noyau du futur « groupe des Six ». Dans un de ses dessins, Cocteau, qui lui avait dédié Le Coq et l’Arlequin, le représenta tapant à la machine Le Bal du comte d’Orgel sous la dictée de Raymond Radiguet, en 1923.

Auric est l’auteur d’un important catalogue comprenant des œuvres pour piano, musique de chambre, mélodies et autres pièces orchestrales ou chorales, mais ce sont ses nombreuses musiques de film qui le feront connaître d’un plus large public. Ayant écrit sa première partition cinématographique en 1930 pour Le Sang d’un poète de Cocteau, il travaillera de nouveau avec lui au cinéma pour La Belle et la Bête, L’Aigle à deux têtes, Les Parents terribles, Orphée et Le Testament d’Orphée. 

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La liste des réalisateurs ayant fait appel à Auric va de René Clair (À nous la liberté) à Marc Allégret (Lac aux dames, Sous les yeux de l’Occident, Gribouille, Orage, Entrée des artistes, Le Corsaire, La Belle Aventure), en passant par Marcel L’Herbier (La Mode rêvée), Julien Duvivier (La Chambre ardente), René Clément (Gervaise) ou Jean Delannoy (Macao l’enfer du jeu, L’assassin a peur la nuit, L’Éternel retour, Le Bossu, La Part de l’ombre, La Symphonie pastorale, Les jeux sont faits, Aux Yeux du souvenir, Notre Dame de Paris).

C’est en 1952 qu’il connaîtra son plus grand succès dans le septième art avec Moulin-Rouge de John Huston, dont la valse principale restera longtemps dans les mémoires (avec les paroles de Jacques Larue : « Moulin des amours, tu tournes tes ailes, au ciel des beaux jours… »). Le nom de Georges Auric apparaît également dans Le Salaire de la peur, Les Espions et Le Mystère Picasso d’Henri-Georges Clouzot, Vacances romaines de William Wyler, Du Rififi chez les hommes de Jules Dassin, Lola Montès de Max Ophüls, Aimez-vous Brahms… d’Anatole Litvak d’après Sagan, Bonjour Tristesse d’Otto Preminger, également d’après Sagan, L’Arbre de Noël de Terence Young, ou même… La Grande Vadrouille de Gérard Oury !

Georges Auric écrivit aussi abondamment pour la scène, que ce soit pour le théâtre ou le ballet, comme Les Fâcheux d’après Molière pour les Ballets russes de Diaghilev en 1924. C’est ainsi que le 13 novembre 1949, sa musique accompagna au Théâtre Marigny la pièce Le Bossu de Paul Féval, dans une mise en scène de Jean-Louis Barrault, avec Pierre Brasseur dans le rôle de Lagardère, aux côtés de Barrault, Jean Desailly et Pierre Bertin, ami de Satie et complice historique des «  Six  ». C’est à cette époque qu’Auric entama une nouvelle musique de ballet, Phèdre d’après Sophocle et Racine sur un scénario de Jean Cocteau, programmé pour juin 1950 à l’Opéra de Paris (dont Auric sera plus tard le directeur), sur une chorégraphie de Serge Lifar qui donna cette version de la genèse :

« En 1947, à la fête donnée en mon honneur par Étienne de Beaumont, je rencontrai Georges et Nora Auric [son épouse artiste peintre qui fera notamment le portrait de Lifar]. Ils me félicitèrent et Nora me demanda de commander à Georges un ballet pour l’Opéra. Je fus enthousiasmé et parlai de cette proposition à Hirsch [administrateur de l’Opéra de Paris], mais ce dernier regrettait de ne pouvoir accepter que si Auric voulait bien écrire la partition gratuitement, l’Opéra étant désargenté. C’est moi alors qui payai la commande et lui réglai un demi-million. Nous demandâmes à Cocteau d’être le librettiste et [Christian] Bérard le décorateur [celui-ci décédera en février 1949 et Poulenc écrira pour lui son Stabat Mater]. Au dernier moment, Cocteau se chargea aussi des décors et des costumes. Ainsi naquit Phèdre, qu’on a appelée “l’œuvre du XXe  siècle“, et j’assistai souvent chez Auric, place Beauvau, aux progrès de sa composition. »

Le rôle de Phèdre fut confié à Tamara Toumanova, « la perle noire du ballet russe », qui sera plus tard filmée par Gene Kelly, Alfred Hitchcock et Billy Wilder. Serge Lifar incarna Hippolyte, Aricie fut dansée par Liane Daydé, Thésée par Roger Ritz, Neptune par Lucien Legrand, et Œnone par Lycette Darsonval, danseuse étoile du Ballet de l’Opéra de Paris qu’elle dirigera plus tard, avant de prendre en main le Ballet de Nice. Sur une musique très cinématographique, Phèdre obtiendra un succès durable, et sera reprise par une autre danseuse étoile et future directrice du Ballet de l’Opéra de Paris, Claude Bessy : « La première fois que Serge Lifar nous a fait entendre la musique d’Auric, nous sommes restés sans voix, interloqués. Nous sortions des représentations des Deux Pigeons de Léo Delibes, dansions sur des musiques plus classiques et, subitement, nous avions l’impression d’entendre une cacophonie épouvantable. Je me souviens que lors des premières répétitions, accompagnées au piano, nous n’arrivions pas à comprendre le sens de cette musique… C’était une révolution pour nous. Ce qui est étonnant, c’est que, lorsque j’écoute cette musique aujourd’hui, elle me paraît claire, évidente et mélodieuse : en résumé, une très belle partition. Ce qui démontre que l’oreille s’habitue, s’éduque et évolue avec le temps. Il est vrai que l’art ne se révèle pas toujours à la première écoute d’une musique ou au premier regard donné sur une œuvre, il se fait désirer en fin de compte… »

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