Stéphanie Childress, révélation des Victoires de la musique classique 2022

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Stéphanie Childress, révélation des Victoires de la musique classique 2022

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Stéphanie Childress, révélation des Victoires de la musique classique 2022
Stéphanie Childress, révélation des Victoires de la musique classique 2022
- KaupoKikkas

Rencontre avec Stéphanie Childress, nommée dans la catégorie “Chef d'orchestre” des Victoires de la musique classique 2022.

Stéphanie Childress est nommée dans la catégorie “Chef d'orchestre” des Victoires de la musique classique 2022. Franco-britannique, elle débute par le violon puis étudie la direction à l'université de Cambridge. Elle dirige aujourd'hui de nombreux orchestres et travaille notamment comme cheffe assistante du St. Louis Symphony Orchestra aux Etats-Unis, aux côté de Stéphane Denève.

Comment avez-vous découvert la direction d’orchestre ?

J’ai découvert la direction d’orchestre quand j’avais 13 ans. Ça a été un coup de foudre : j’assistais à des répétitions à l’English National Opera à Londres et ils avaient une saison magnifique avec Der Rosenkavalier de Strauss, Death in Venice et Billy Budd de Britten. J’ai été éblouie par ces opéras et impressionnée par la manière dont le chef était au centre du spectacle, à la fois en train de diriger mais aussi de parler avec le metteur-en-scène et les chanteurs. Je faisais du violon et j’avais l’habitude de participer à des orchestres de jeune, mais à l’opéra, c’est un travail vraiment collectif. C’est la beauté de la musique mais aussi cet esprit de collaboration qui m’ont donné envie d’être cheffe d’orchestre.

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Vous avez commencé par le violon ?

J’avais eu également un coup de foudre pour le violon quand j’avais quatre ans. J’étais allée voir un concert de Nigel Kennedy à Carcassonne. Je me souviens d’avoir été sidérée par son comportement sur scène : il communiquait avec l’orchestre, il voltigeait, c’était une performance très physique. Mon père m’a dit après coup qu’en me regardant, je ne bougeais pas et que mes yeux étaient fixés sur Nigel Kennedy.

J’ai commencé le violon à six ans, sans être très forte au début : j’ai eu besoin de temps pour comprendre la technique, l’intonation… Je prenais ça très au sérieux mais je ne pensais pas en faire ma carrière. Quand j’ai eu le niveau pour faire de l’orchestre, j’ai découvert le travail collectif et le plaisir de faire de la musique ensemble, ce qui m’a beaucoup aidé dans mon développement en tant que violoniste. À partir de 15 ans, j’ai été scolarisée chez moi. Je savais à ce moment-là que je voulais être cheffe et je voulais aller le plus vite possible à l’université pour faire mes études d’analyse, d’histoire…  L’université qui m’attirait le plus, c’était Cambridge et j’y suis entrée à l’âge de 16 ans.

Qu’est-ce qui vous a décidé à en faire votre métier ?

À Cambridge, c'est une formation très théorique : il faut savoir s’organiser pour pouvoir créer ses projets en-dehors car il y a là-bas de nombreux musiciens et chanteurs de très bon niveau. Il y a aussi cette tradition très importante du choeur à Cambridge et on peut facilement monter des opéras, des symphonies de Mozart…

Ma dernière année, j’ai dirigé la IXe Symphonie de Beethoven dans la chapelle de mon College, en essayant de réunir tous les musiciens de Cambridge. Il fallait tout organiser, installer les chaises, préparer le thé à la pause mais ça m’a beaucoup appris. Je crois qu’à la fin, c’était un concert de qualité qui a vraiment été apprécié, je connais des professeurs à l’université qui en parlent encore. Ça a vraiment été un moment important pour moi. Quelques mois après, j’ai été repérée par une agence et tout a commencé.

Comment travaillez-vous au quotidien ?

Le plus important pour moi, au quotidien, c’est de structurer mes journées, comme pour toutes les personnes qui travaillent chez elles. Il faut parfois préparer certaines partitions compliquées une ou deux années à l’avance : j’ai besoin de savoir que j’ai passé le plus de temps possible sur une partition, de vivre avec elle pendant plusieurs mois pour développer mon interprétation.

Mais j’ai besoin aussi de jouer d’un instrument pour garder un contact physique avec le son parce qu’en tant que cheffe, avec la gestuelle, on essaye de manipuler, de tirer, de pousser mais on n'a pas de contact direct, c’est tout psychologique. En ce moment je joue un peu de piano et j’apprends l’alto, pour le plaisir. Comme beaucoup de violoniste, j’avais envie d’essayer ce son un peu plus grave, un peu plus riche.

Avez-vous un rêve comme musicienne ?

J’aimerais continuer mon travail à l’opéra et diriger toutes les oeuvres des compositeurs que j’ai découverts quand j’avais 13 ans : Britten, Strauss et, peut-être un jour, ceux de Wagner. Chez Wagner, il y a quelque chose de tellement beau mais aussi de tellement extrême, que j’aimerais avoir le temps vivre avec lui, avec sa philosophie, sa manière de créer l’art.

Qu'est ce que ça changerait pour vous d'obtenir cette Victoire de la musique ?

D’abord j’ai été très émue et honorée d'être nommée. Et je suis très contente que cette nouvelle catégorie existe car, surtout après la pandémie, c’est vraiment important d’encourager les jeunes chefs. Pendant les différents confinements, les instrumentistes pouvaient quand même s’entraîner chez eux, mais beaucoup de jeunes chefs que je connais ont souffert de ne pas pouvoir se réunir avec des musiciens, de ne pas pouvoir pratiquer leur art. C’est un très beau geste d’essayer d’encourager cette génération.

Pensez-vous que ce soit plus difficile pour une femme de devenir cheffe d’orchestre ?

J’ai eu beaucoup de chances parce que je n’ai pas rencontré véritablement de problèmes en tant que jeune cheffe. Pour moi, les choses sont quand même bien mieux que ce qu’elles étaient dans le passé : je pense qu’il y a une vraie volonté de résoudre ces problèmes. Mais, malgré tout, le sexisme existe toujours dans beaucoup d’aspects de nos sociétés. Je pense aussi qu’il faut s’intéresser aux enfants : c’est à un très jeune âge qu’il faut changer les choses pour voir ces questions de femmes dans des positions de pouvoir évoluer.

Un proche, un musicien ou un artiste qui vous a donné envie de faire de la musique ?

J’ai assisté plusieurs chefs, notamment sir Simon Rattle à Londres. Je lui dois beaucoup, pas seulement pour les connaissances qu’il m’a transmises. Avant la compétition de La Maestra à La Philharmonie de Paris, la situation sanitaire internationale était très confuse et beaucoup de candidates ne pouvaient plus venir. Je ne savais pas ce que je devais faire et je lui ai demandé ce qu’il ferait à ma place, et il m’a dit de prendre l’Eurostar parce qu’il avait un bon pressentiment. Et il avait raison parce que je suis arrivée en finale et cette compétition a vraiment changé ma vie.

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