Un hôtel du centre-ville d’Angers accueille en ce moment une création originale et inédite en France : un spectacle de danse immersif à l’intérieur même des chambres. Un rendez-vous intimiste.
C’est la toute nouvelle création du chorégraphe et metteur en scène Christophe Garcia. Née notamment du confinement, ce projet de spectacle a mûri pendant plusieurs semaines dans la tête de l’artiste avant d’être lancée par sa compagnie, La Parenthèse, dans un hôtel de la capitale de l’Anjou.
« Niebo Hôtel », c’est le nom du spectacle, est un spectacle « corona-compatible », comme le note nos confrères de La Croix. Rassurante pour le public et les artistes, cette formule est assez spontanée. Pourtant, explique Christophe Garcia, c’est une grosse production, réalisée en peu de temps. En seulement trois semaines, tout était bouclé.
« L’idée est venue par plusieurs approches, raconte l’ancien danseur de Maurice Béjart. Notamment d’une histoire personnelle. Un jour, alors que j’étais dans une chambre, j’ai trouvé une lettre. Une cliente était passée avant moi et avait laissé un message pour le suivant. Elle y racontait le bonheur vécu dans cette chambre, les histoires imaginées sur les voisins de palier. Ça m’a fasciné. Je me suis donc servi de cette anecdote pour mon récit. »
De la solitude naît le rêve
Mais au-delà de ce scénario, il y a surtout un désir de maintenir des perspectives artistiques à sa compagnie. Et danser, malgré la situation, et les annulations en série (plus de 60 dates au total), durant le confinement. « Il y avait aussi une envie irrésistible de prendre un risque, d‘investir un hôtel, de transformer des contraintes en nouvelles règles de jeux, de savourer l’intimité d’un lieu singulier, son odeur, sa lumière, ses histoires », énumère Christophe Garcia.
Car c’est bel et bien de l’hôtel lui-même que la pièce s’inspire. Des rencontres, des amours clandestins, la solitude aussi : tout y est. « Surtout la solitude », martèle le metteur en scène. Dès le début, le spectateur est plongé dans ce sentiment. À son arrivée à l’hôtel – le spectateur doit entrer seul -, on lui confie la clé de sa chambre initiale. Il s’installe quelques minutes, seul. « C’est là qu’il se questionne, sur lui, sur ce qu’il fait ici, sur ce qui va se passer », indique le danseur. Et le spectacle arrive à lui.
Un spectacle déambulatoire
Suivant les danseurs au fil des chambres, le spectateur profite d’un parcours ludique individuel. Autour de lui, les artistes se meuvent au son des textes et chansons de Wislawa Szymborska, prix Nobel de littérature en 1996, et autrice du recueil de poésie « La Mort sans exagérer ». Dans chaque pièce, une scène.
La déambulation – d’une heure environ - sera unique, car personne ne voit exactement le même spectacle. Pourtant, chaque soir dans cet hôtel de la place du Ralliement (la place principale du cœur d’Angers), une cinquantaine de spectateurs sont accueillis. Un rapport privilégié est entretenu avec chacun d’eux. D’ailleurs, l’intimité est renforcé par les personnages incarnés par les danseurs, souvent quasiment dénudés, qui se produisent sous le regard des spectateurs.
« Cet espace habituellement fermé s’ouvre sur de nouvelles formes, insiste le metteur en scène. C’était à la base la solution pratique quand les théâtres étaient fermés. C’est aujourd’hui le lieu idéal pour créer. »
« Aujourd’hui, tout se réinvente, à l’infini, observe le chorégraphe. Il y a une certaine proximité, une intimité entre les gens. C’est un peu la saveur actuelle due à la situation. » Ce spectacle immersif est en effet une première. À la connaissance de Christophe Garcia, il n’en existe qu’une poignée dans le monde. Lui n’en a jamais vu de ses propres yeux. Mais avec le succès de Niebo Hôtel, déjà plusieurs villes se sont rapprochées de la compagnie La Parenthèse pour tenter de programmer le spectacle (Marseille, Cannes, et de nouveau Angers par exemple).
Une saveur dégagée du confinement
Cette pièce intimiste, pour un public très réduit, rassasie la soif de danse de la dizaine d’artistes sur place. Ensemble, ils ont su adapter le lieu pour raconter une nouvelle histoire. « Depuis plusieurs années, en tant que spectateur, le rapport frontal, habituel dans les salles classiques, m’ennuie, ajoute le danseur. Dans le huis clos d’une pièce, la proximité entre le spectateur et le danseur modifie l’œuvre, telle qu’elle est vécue d’un côté comme de l’autre. »
La crise sanitaire, qui touche de manière importante le monde de la culture et de la création artistique, oblige à trouver de nouvelles manières de créer. À Angers, Niebo Hôtel est la preuve de la réussite d’un rêve de confinement. Au fil de la discussion avec Christophe Garcia, on comprend même qu’il ne retient de cette période que les amours confinés. Il les met aujourd’hui à l’honneur et compte bien s’en inspirer encore très longtemps.