Que pensent les artistes des applaudissements en concert ?

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Que pensent les artistes des applaudissements en concert ?

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Artistes et applaudissements
Artistes et applaudissements

Si le public est maître de ses applaudissements, les artistes ont aussi leur avis sur la question. Les applaudissements entre les mouvements gênent-ils vraiment les musiciens, chefs d’orchestre ou chanteurs ?

Dans les concerts, le public participe à sa manière en applaudissant les musiciens, l’oeuvre, le chef d’orchestre ou les chanteurs. Parfois, ces applaudissements surgissent entre deux mouvements d’une symphonie ou d’un concerto. Une transgression qui depuis le début du XXe siècle n’est pas bien vue.

Parmi les arguments contre les applaudissements entre les mouvements, revient souvent l’idée qu’il ne faut pas couper une oeuvre, ou qu’il ne faut pas gêner la concentration des artistes sur scène.

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Pour vraiment répondre à ce débat (sans fin) autour des applaudissements, musiciens, chefs, compositeurs et chanteurs donnent quelques éléments de réponse.  

Renaud Capuçon, violoniste français dans Boomerang sur France Inter le 28 janvier 2016 :

« La réussite de la Philharmonie c’est de voir un public complètement renouvelé avec plus de 25% de nouveaux publics qui n’allaient pas au concert avant, et qui d’ailleurs applaudissent entre les mouvements. Certains s’insurgent, moi je trouve ça formidable. Quand quelqu’un applaudit entre les mouvements ça veut dire que ce sont des gens qui ne sont pas habitués, et que l’on a gagné un nouveau public. Si nous, les musiciens classiques, nous disons : "Attention il ne faut surtout pas applaudir", nous allons continuer à faire peur à ces gens qui n’osent pas venir au concert parce qu’il y a des abrutis qui pensent que c’est dangereux d’applaudir entre les mouvement. Applaudissez entre les mouvements, ça n’a aucune importance ! »

Marie-Laure Garnier, soprano (duo Nitescence) à la Folle Journée de Nantes le 5 février 2016 :

« S’il y a des applaudissements entre deux lieders ce n’est pas dramatique. Au contraire, cela montre que le public apprécie et qu’il nous encourage à donner et partager ce que l’on est venu apporter. En revanche, dans un cycle où les pièces sont censées s’enchaîner rapidement, les applaudissements peuvent nous couper dans notre concentration, et il faut attendre que les gens applaudissent. Il y a une certaine rupture qui est faite, et n’étant pas volontaire, elle peut casser une énergie qui devait être continue. Des artistes demandent de ne pas applaudir, mais si l’on considère que l’applaudissement est l’adhésion du public, alors on ne le dit pas et on ne le brime pas. »

Pierre Boulez, compositeur et chef d’orchestre français dans l’émission Pour le plaisir en 1964 :

« Dans les concerts nous avons une coutume qui est celle d’applaudir les artistes. Il m’est arrivé d’écrire que les gens applaudissent non pas l’artiste, mais eux-mêmes. Ils s’applaudissent de faire partie d’une certaine classe musicale et ils s’applaudissent de voir cette classe musicale refléter dans l’artiste qui est devant eux. »

Marin Aslop, chef d’orchestre américaine dans un article de The Independant :

« Quand les gens applaudissent par exemple à la fin d’un premier mouvement d’un concerto pour violon de Tchaikovsky, cela ne me dérange pas car c’est du spontané, de l’émotion, une réponse instinctive. Les seules fois où cela peut me déranger c’est quand j’ai l’impression que les applaudissements sont forcés, comme obligatoires juste parce que quelque chose vient de se conclure, comme par exemple à la fin d’un mouvement lent d’une symphonie de Mahler. »

François Chaplin, pianiste français à la Folle Journée de Nantes le 4 février 2016 :

« Les applaudissements entre les mouvements ne me dérangent pas. Tout dépend du public que l’on a finalement... C’est peut-être plus gênant lorsque l’on finit un mouvement lent, paisible qui dégage une certaine émotion et que l’on est dans la confidence. Mais les applaudissements ne m’ont jamais choqué plus que ça. Le public réagit quand il veut. Hier soir, par exemple, pendant mon concert, le public était content après un nocturne et a applaudi alors que je devais en enchaîner trois. C’est leur façon de vous remercier et, au fond, ce n’est pas ça qui va troubler la musique. »

Richard Dare, directeur de l’orchestre philharmonique de Brooklyn dans une interview à la Radio publique du Colorado :

« Peut-être qu’il est temps de simplement nous laisser réagir à la musique classique avec notre coeur, juste comme nous le faisons avec d’autres formes artistiques. La musique classique appartient à l’audience, aux personnes qui écoutent, pas aux critiques, aux citoyens ou aux snobs. »

Célia Oneto Bensaid, pianiste (duo Nitescence) à la Folle Journée de Nantes le 5 février 2016 :

« Quand un public applaudit entre les mouvements, c’est qu’il n’est pas au courant que la pièce est un tout. Dans la sonate funèbre de Chopin par exemple, il y a une dramaturgie et une continuité de l’oeuvre. Un mouvement en musique, c’est comme un chapitre dans un livre, il faut faire comprendre au public que c’est juste la fin d’un chapitre, pas la fin du livre. Quand je ne veux pas que les gens applaudissent, j’essaye avec ma posture d’imposer que ça n'arrive pas. Je reste très concentrée, très intérieure. Il faut réussir à imposer le silence par notre présence physique. Si les applaudissements arrivent, je n’hésite pas à recommencer pendant les applaudissements pour faire comprendre au public que ce n’est pas fini. Je refuse de dire avant le concert de ne pas applaudir car je n’ai pas envie que les gens se sentent comme à l’école. »

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