Après les attentats, comment le monde de la culture s'organise-t-il ?

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Après les attentats de Paris qui ont coûté la vie à au moins 129 personnes et blessées 352 autres, comment le monde de la culture, qui a été clairement visé, s'est-il organisé ? Quels dispositifs de sécurité ont été et seront mis en place dans la capitale ? Et surtout que peut faire le monde de la culture pour lutter contre ces actes de barbaries ?

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La plupart des directeurs de salles de concerts, de théâtre et de spectacle recevaient du public vendredi soir au moment des attaques. Tous sont choqués et se sentent intimement concernés par ce qu'il s'est passé car cela aurait très bien pu arriver chez eux. Certains ont rapidement évacué le public, d'autres ont préféré se barricader et de fermer leurs portes.

C'est le cas de Jean-Marc Dumontet, propriétaire de quatre théâtres parisiens (Bobino, le Point Virgule, le Grand Point Virgule et le Théâtre Antoine) dont deux d'entre eux sont situés non loin des zones des attentats dans le centre-est de la capitale. L'homme nous donne rendez-vous à 19h ce dimanche au Théâtre Antoine, juste après le début de la représentation de L'être ou pas, une pièce de Jean-Claude Grumberg, avec Pierre Arditi et Daniel Russo.

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C'est exactement à cette heure-là que des rumeurs de nouveaux tirs dans rues de Paris se propagent sur les réseaux sociaux. L'équipe de direction du Théâtre Antoine décide de ne rien laisser paraître et fait rapidement rentrer les spectateurs dans la salle. Les grilles se ferment peu à peu, l'ambiance est tendue. Les agents de sécurité scrutent ce qui se passe dehors et font entrer à la hâte les retardataires.

Un jeune couple s'engouffre dans le hall tout simplement pour s'y réfugier mais la jeune femme fond en larmes au moment où elle se rend compte qu'il s'agit d'un théâtre. Incroyable de penser qu'un lieu de culture puisse être à ce point considéré comme un endroit dangereux. Heureusement, une dizaine de minutes plus tard : fausse alerte. Les pouvoirs publics confirment qu'il ne s'agit de rumeurs, d'un mouvement de panique. Le spectacle du Théâtre Antoine aura bien lieu.

Dans l'un de ses autres théâtres, au Point Virgule situé dans le Marais, Jean-Marc Dumontet nous informe que la police leur a donné l'ordre de se barricader, les spectateurs sont descendus se cacher dans les caves du théâtre. Une scène déjà vécue vendredi soir, une fois la nouvelle des attaques connue.

Au Théâtre Antoine, la plupart des spectateurs est restée à l'abri dans le foyer. Le temps d'organiser des solutions de transport puisque les métrso ne fonctionnaient plus et que les taxis étaient rares. Une situation inimaginable pour Jean-Marc Dumontet, qui a pris la décision d'annuler toutes les représentations samedi mais de rouvrir hier dimanche.

"Je pense que chacun fait comme il le pense, mais j'ai estimé qu'il fallait jouer à tout prix pour ne pas se taire. Ma décision était en totale résonnance avec la détermination des artistes. Certains ont décidé de ne pas jouer, trop touchés et émus par ce qui s'est passé. Je respecte cette décision infiniment. Dans des situations pareilles, il ne s'agit pas d'avoir des positions moralisantes. Ma position c'est de dire que nous avons la chance de ce grand pays démocratique qu'est la France de s'exprimer sur scène, à la radio, à la télévision. Il faut utiliser cette chance, cette liberté d'expression. En tant qu'artiste, nous sommes les premiers bénéficiaires de cette chance-là et nous avons des responsabilités par rapport à çà " assène Jean-Marc Dumontet.

Si les représentations dans les quatre théâtres du propriétaire étaient maintenues, les salles n'étaient pas autant remplies que d'habitude. Environ 40% des personnes qui avaient réservé ne sont pas venues, certainement parce qu'ils préféraient rester chez eux après les événements de vendredi soir. Mais d'autres spectateurs ont tenu à venir malgré tout.

Une femme âgée d'une cinquantaine d'années estime qu'il ne "faut pas s'interdire de sortir à cause de ce qui s'est passé. On y pense mais la vie doit continuer. On est dans un pays où on a la chance de pouvoir sortir, d'aller voir des spectacles, il faut continuer et prouver à ces terroristes qu'on est là et qu'on continuera à vivre comme avant ". Un homme affirme qu'il faut également "montrer à tous les français, et à nos proches, qu'il faut continuer à sortir. C'est presqu'un acte de résistance. Et il faut résister tout le temps, pas qu'une seule journé ".

Si certains théâtres privés ou de nombreux cinémas ont décidé de rouvrir dès dimanche, les lieux publics et les grandes salles de concert parisiens étaient fermés tout le week-end. L'Opéra de Paris, la Philharmonie, le Zénith, etc. Tous ces grands équipements vont progressivement rouvrir à partir de 13h ce lundi.

Laurent Bayle, directeur général de la Philharmonie, estime dans les pages du Figaro qu'il est partagé entre "deux pulsions contradictoires : rouvrir au plus vite pour ne pas donner raison à la barbarie. Et ne faire prendre aucun risque à personne, ni aux agents, ni aux spectateurs ".

De son côté, Stéphane Lissner déclare que la culture la "culture doit rester debout. Elle donne une image des valeurs de l'Occident. Et ces valeurs, on ne peut pas les abandonner mais continuer au contraire à les affirmer. C'est aussi notre rôle ".

Le ministère de la Culture a d'ailleurs indiqué que l'ensemble des équipements culturels rouvriraient leurs portes dès aujourd'hui lundi à partir de 13h. En effet, tout le week-end les lieux culturels publics et les grandes salles de concerts de la capitale étaient fermées. Décision prise conjointement par les différents acteurs du milieu, en concertation avec les pouvoirs publics dont la mairie de Paris.

Noël Corbin, directeur des affaires culturelles de la ville, nous détaille le dispositif de sécurité mis en place dès vendredi soir. "Les salles de spectacle nous ont toutes appelé pour savoir ce qu'elles devaient faire. Laissons-nous les gens sortir ou au contraire confinons-les dans les salles, à l'abri ? Dans ce genre de situation, on agit minute par minute en tenant compte des consignes données par la cellule de crise de la mairie. Mais il faut préciser que ce sont les établissements qui ont pris leur responsabilité, nous n'étions là qu'en tant que facilitateurs. Il y a une chaîne de solidarité, déchanges très fortes. Ce qui prime c'est de ne pas faire taire la vie, c'est-à-dire ne pas accepter que des concitoyens meurent de cette façon et surtout ne pas faire taire la culture, pour qu'elle continue à s'exprimer ".

Et c'est ce message en particulier que tous les acteurs de la culture veulent faire passer : répondre à la barbarie par de la culture, de la culture, toujours plus de culture. Et cela passera par le fait de rouvrir le plutôt les salles pour y donner des concerts, des pièces de théâtres, des opéras, etc. C'est ce que souhaite Jean-Michel Ribes, le directeur du théâtre du Rond Point : "Il nous semblait juste et digne de slauer la memoiure des victimes et de leur familles durant deux jours de deuil. Mais fermer plus longtemps, cela nous aurait mis à genoux, cela reviendrait à nous museler. Il faut qu'on reste vivant sur nos scènes, il faut qu'on reprenne le combat du désir, du plaisir, de la joie, de la musique, de tout ce qu'ils ont voulu attaquer. Leurs pulsions de mort ne nous atteindrons pas et la vie va continuer. La joie ne s'assassine pas ".

Jean Michel Ribes indique qu'il est déjà en train de réfléchir à un spectacle qui s'inspirera des événements tragiques pour tenter d'apporter une réflexion pour comprendre ce chaos et surtout de retrouver l'envie et le plaisir de se sentir bien, en sécurité et libre dans un fauteuil d'orchestre, de théâtre ou de cinéma.

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