Les quatre maisons d'opéra du Grand Est mutualisent leurs forces

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Alors que vient de se créer la nouvelle grande région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, les quatre maisons d'opéra du territoire ont décidé de se rapprocher. Plusieurs pistes sont explorées afin d'améliorer les productions tout en réalisant des économies.

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Se rassembler pour peser plus lourd. Voilà, ce qu'ont entrepris de faire les quatre opéras de la nouvelle grande région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine, dont l'existence remonte au 1er janvier 2016. Les maisons lyriques de Nancy, Strasbourg, Reims et Metz ont décidé de se rapprocher davantage pour mutualiser leurs moyens. Mutualisation artistique, administrative, technique mais aussi des rapprochements tant sur la communication que sur la formation des personnels. Voilà ce qui ressort de différentes réunions de travail des quatres opéras du Grand Est qui s'est tenu il y a peu à Reims.

Car on le pressentait, cette réforme territoriale a obligé les équipements culturels à s'adapter. Et plus qu'une simple réorganisation, les maisons d'opéras de la nouvelle grande région y ont vu l'occasion de se rapprocher davantage. A l'initiative de Laurent Spielmann, le directeur de l'Opéra national de Lorraine à Nancy, les directeurs des trois autres maisons, celles de Strasbourg, Metz et Reims se sont réunis.

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"Nous avons quatre opéras dans une région qui est deux fois plus grande que la Belgique, nous ne pouvons donc pas s'ignorer et rester isolés dans notre coin. Nous devons être des interlocuteurs indispensables vis-à-vis des tutelles, de nos villes, de la région et de l'Etat. Le message est simple : nous avons tous des projets différents, nous avons notre singularité et nous souhaitons conserver notre identité mais il y a des choses que nous pouvons faire à plusieurs, et ce dans le but de garantir une irrigation des territoires plus importante que celle que nous connaissons actuellement".

Et après plusieurs mois de rencontres entre les directeurs mais aussi entre les administrateurs, les directions techniques ou encore les équipes de communication, les quatre opéras viennent de livrer leurs propositions. A plusieurs niveaux, une mutualisation est possible : artistique évidemment en développant le modèle des coproductions déjà en vigueur. Il s'agira notamment de faire tourner les productions émanant de l'Opéra Studio de Strasbourg, l'académie qui forme huit jeunes chanteurs et deux pianistes chefs de chant tous les ans. L'idée serait aussi d'augmenter le nombre de ces jeunes à 15 et de les utiliser pour les petits rôles dans les différentes maisons de la région.

Ce rapprochement devrait aussi s'opérer de façon administrative, en harmonisant les salaires, les conventions collectives, les pratiques fiscales et aussi en mettant en place un vivier d'intermittents habitant la région. Le volet technique sera certainement l'un des plus simples à développer puisque certaines pratiques existent déjà. L'une des premières actions pourrait être la création d'un entrepôt commun de stockage des décors, ce qui repousserait leur destruction prévue habituellement au bout de deux ou trois ans.

Paul-Emile Fourny, directeur de l'Opéra de Metz, explique que ses collègues de Nancy et de Strasbourg n'ont pas les lieux de stockages pour les décors. "Ceux-ci sont habituellement conservés deux à trois ans avant d'être détruit pour libérer de la place. Si nous réussissons à trouver un plus grand lieu et que nous le mettons en commun, nous pourrons alors conserver les décors plus longtemps pour les réutiliser, les louer ou pour récupérer certains éléments. Cela nous permettrait également de créer un grand atelier pour nos quatre maisons d'opéras, mais aussi pour les nombreuses compagnies de théâtre que comptent la région. C'est une économie qui est intéressante pour tout le monde".

Autre proposition : la création d'une base de donnée commune des costumes, perruques et autres accessoires. Elle permettra de mettre en valeur les savoir-faire spécifiques de chaque maison d'opéra tout en évitant la fabrication de pièces existant déjà. Il est envisagé de faire grossir l'atelier perruque de l'Opéra du Rhin à Strasbourg, le seul de la région, pour qu'il fournisse tout le monde.

A noter également qu'une attention toute particulière sera apportée à la formation professionnelle. L'Opéra de Nancy accueille un centre de formation des apprentis dédié aux métiers des arts de la scène et de l'orchestre. L'idée serait de permettre aux apprentis d'enrichir leur expérience en tournant dans les quatre maisons afin de découvrir les différents modes de fonctionnement.

Ce message de mutualisation des forces vives pour améliorer la production des spectacles tout en réalisant des économies sur de nombreux postes devrait plaire aux tutelles... Mais n'est-ce pas là jouer un jeu dangereux et prouver aux élus qu'il est possible de faire pareil voire mieux avec moins d'argent. Et par conséquent, risquer de voir les financements continuer à baisser ?

C'est un risque à prendre explique Laurent Spielmann de l'Opéra de Lorraine. "Ce danger est toujours présent car l'opéra coûte très cher. Ce n'est pas la même économie qu'un théâtre où vous allez embaucher trois ou quatre artistes comédiens au mois qui joueront 150 représentations. A l'opéra, nous avons besoin de 150 à 200 personnes par spectacle qui ne sera donné que cinq ou six fois. A partir du moment où les élus comprennent que ce n'est pas la même chose et qu'ils sont convaincus de la nécessité de l'art lyrique, il faut les moyens pour le faire. Et je crois que le développement est attendu par les tutelles, c'est-à-dire comment pouvons-nous faire pour le mieux, et c'est ce travail que nous menons aujourd'hui".

Autre point important envisagé lors de ce rapprochement : la communication. Les brochures de chaque maison intégreront dès la saison prochaine, les programmes des autres opéras. Des tarifs préférentiels seront mis en place pour les abonnés de Strasbourg souhaitant se rendre à Nancy par exemple.

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