Turbulences à la Volksbühne de Berlin

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Aujourd’hui, notre chroniqueur Antoine Pecqueur revient sur la polémique autour de la nomination de Chris Dercon à la tête de la Volksbühne à Berlin. Entre enjeux artistiques et tentation marketing, la décision ne laisse personne indifférent…

Cela faisait 24 ans que Frank Castorf, metteur en scène, s’occupait d’une des scènes les plus radicales, politiques et polémiques du paysage européen. Il signe des spectacles uniques, qui ne laissent pas indifférent et voit la fin de son mandat récompensée par le prix de Théâtre de l’année décerné par les critiques allemands. Son successeur, Chris Dercon fait débat dans le milieu théâtral allemand.
Historien de l’art et commissaire, le directeur de la Tate Modern de Londres a notamment piloté l’ouverture de son annexe. Si 172 personnalités liées à la Volksbühne ont signé une lettre publique dénonçant le choix du maire de Berlin, Michaël Müller, soulignant son manque de légitimité et d’axes de développement structurel pour le théâtre, ses supporteurs, quant à eux, dénoncent un « coup d’état narcissique qui va à l’encontre de la dimension cosmopolite, ouverte, de Berlin ».
A Berlin, on craint que le théâtre parlé ne soit réduit au profit d’approches pluridisciplinaires et que le théâtre perde son engagement politique qui fait son identité. Mais pourquoi Chris Dercon fait-il si peur ?
Le profil de l’historien de l’art est très anglo-saxon en matière d’économie. A la Tate, il mise sur des artistes bankables du marché de l’art (comme Damien Hirst) et des fondations mécènes. Il apparait ainsi comme une figure capitaliste qui participe à la spéculation du marché de l’art, loin des convictions du milieu théâtral allemand. Le secrétaire des affaires culturelles de la ville, Thomas Renner, tient quant à lui à rassurer l’opinion : aucun projet de réduction d’effectif ne sera amorcé. Les enjeux sont multiples : Chris Dercon va devoir comprendre que socialement et économiquement, la gestion d’un musée anglais à financement privé n’a rien à voir avec celle d’un théâtre public allemand et, si le talent de Frank Castorf est incontestable, il ne semble pas absurde, après 24 ans, que la Volksbühne démarre une nouvelle histoire. On peut justifier l’arrivée d’un professionnel d’une autre discipline qui peut apporter un regard neuf et croiser les arts, néanmoins, la motivation doit toujours rester artiste et non pas marketing. Pour le moment, on compte déjà 138 000€ d’investis pour les salaires et voyages de Dercon et de sa directrice de programmation, 100 000€ pour le marketing et 500 000€ pour le développement du numérique.

Cette polémique intervient à une période où le chantier du Staatsoper de Berlin accumule les retards et les augmentations de coûts, se muant en un véritable scandale politique et au moment où la question de l’aéroport reste nébuleuse. Berlin espère ainsi que Dercon puisse utiliser son expérience pour développer le mécénat et les ressources propres de la Volksbühne.

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Sans nul doute, la première saison 2017 – 2018 de Chris Dercon à la Volksbühne sera sous les feux des projecteurs…

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