Les 50 ans du plafond Chagall à l'Opéra de Paris

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Guillaume Goubert célèbre ce matin un anniversaire : le cinquantième anniversaire du plafond de Marc Chagall à l’Opéra de Paris.

À vrai dire, j’ai quelques jours de retard puisque l’inauguration eut lieu le 23 septembre 1964 au cours d’une soirée très officielle, présidée par André Malraux. Malraux était alors ministre de la culture du général de Gaulle. Et c’est lui qui a été à l’origine de la commande passée à Chagall. On dit qu’un soir, à l’Opéra-Garnier, il aurait été frappé par le caractère un peu triste de la salle et cela lui aurait donné l’idée de commander un nouveau plafond à un artiste contemporain. Le nom de Chagall s’est imposé très rapidement. Malraux en était à la fois un grand admirateur et un ami proche. Le peintre avait en outre une réelle expérience de l’univers de la scène. Il avait participé à la rénovation du théâtre juif de Moscou entre 1919 et 1921 et conçu des dispositifs scéniques pour des œuvres de Mozart, Stravinsky ou Ravel.
Pourtant, Chagall a hésité avant d’accepter la commande. Il était très intimidé. À cette époque, il travaillait sur les vitraux d’une synagogue à Jérusalem. Ce qui lui a fait dire :

Pour les vitraux, avec le bon Dieu, je suis tranquille, mais pour l’Opéra…

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Qu’est-ce qui l’a décidé finalement ? Sa femme, qui lui a dit, en substance : lance-toi, tu verras bien. Et Chagall s’est lancé. Il a conçu un projet qui lui ressemble, habité par tout ce qui sa peinture si aimable : des couleurs chaudes, des amoureux qui s’étreignent, toutes sortes de personnages ailés, des anges, des oiseaux et même une contrebasse volante, un faune jouant de la guitare, des bouquets de fleurs et les toits de Paris. Commande publique oblige, seules manquent les références religieuses très fréquentes dans son œuvre. Tout cela, dans un joyeux désordre, évoque très librement des œuvres comme la Flûte enchantée, Giselle, le Lac des cygnes, Pelléas et Mélisande, Boris Godounov ou Tristan et Isolde. Et puis aussi l’Oiseau de feu. C'est là, dans un petit coin que le peintre s'est représenté lui-même, la palette à la main.

Il faut savoir que **le plafond d'origine n'a pas été détruit. Derrière la fresque de Chagall, une vaste toile de 1872 est toujours là. Intitulée «Les muses et les heures du jour et de la nuit », cette œuvre de facture classique est signée d'un grand prix de Rome, **Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898). ** **

Le plafond initial de l'Opéra de Paris
Le plafond initial de l'Opéra de Paris

Le plafond initial de l'Opéra de Paris, réalisé par Jules-Eugène LenepveuPour permettre cette superposition, le plafond de Chagall a été marouflé sur 24 panneaux de résine de polyester qui sont démontables. Chagall n'a pas réalisé ce plafond tout seul, couché sur des échafaudages comme Michel Ange dans la chapelle Sixtine. Il a réalisé une maquette d'un mètre carré et demi qui a ensuite été agrandie à sa taille finale de 220m². Ce travail a été réalisé en grande partie par trois peintres assistants auxquels il faut rendre justice en citant leurs noms : Roland Bierge, Jules Paschal et Paul Versteeg. Ils ont travaillé d'abord dans une salle du musée des Gobelins puis dans un hangar de Gustave Eiffel à Meudon. Lorsque les 24 panneaux ont été installés à l’Opéra, Chagall est tout de même monté sur les échafaudages pour des touches finales et notamment pour dissimuler les jointures entre les différents morceaux.

Ce plafond a-t-il été bien accueilli ? Ce ne fut pas la bataille d'Hernani. Mais presque. Les avis étaient très tranchés et les opposants très virulents. Comme toujours en pareil cas, certains ont considéré comme du vandalisme le fait de rompre l'unité de style du bâtiment de Charles Garnier. Il y a eu des accusations de favoritisme en raison de l'amitié entre Chagall et Malraux. On a accusé le peintre de s'être enrichi sur le dos du contribuable. Or il n'a touché aucune rémunération pour ce plafond. Pour conclure, je ne résiste au plaisir de citer le chanteur David McNeil, fils de Marc Chagall. C'est extrait d'un très joli livre intitulé « Quelques pas dans les pas d’un ange » où David McNeil évoque des souvenirs de son père et notamment leurs déjeuners dans des bistrots parisiens. Je cite :

*Les deux ouvriers à la table à côté ont regardé les mains de Papa, tachées de couleurs diverses, ces mains dont il disait souvent qu’elles étaient imprégnées jusqu’à l’os. Il avait alors plus de 70 ans, mais, avec son allure énergique et l’impression de puissance qui émanait de lui, il pouvait très bien passer pour un peintre en bâtiment.

Vous avez un chantier dans le coin ? demanda l’un d’eux.

Je refais un plafond à l’Opéra", répondit mon père, attaquant son œuf dur mayonnaise.*

L'Opéra-Garnier se visite tous les jours

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