Quelle place pour le réalisateur dans les DVD d’opéra ?

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Quelle place pour le réalisateur dans les DVD d’opéra ?

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visuel dvds d'opéras
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Jeudi 26 novembre, la cérémonie des Diapasons d’or récompensera, entre autres, le meilleur DVD de musique classique de l’année 2015. L’occasion de se pencher sur le dialogue qu’entretiennent réalisateurs et metteurs en scène d’opéras.

Pour un même opéra, Il y a le spectateur dans la salle et le spectateur devant sa télévision. Deux manières de recevoir le travail d’un metteur en scène, mais plus particulièrement encore pour la personne qui regarde un DVD d’opéra, dont le résultat est l’oeuvre du réalisateur qui filme le travail du metteur en scène. Jeudi 26 novembre, la remise des Diapasons d’or récompense le meilleur DVD de musique classique en 2015. Le fruit d’un travail qui se situe entre mise en scène, musique et réalisation.

Comment réaliser un DVD d’opéra tout en restant fidèle à la mise en scène et à la musique ? C’est le plus grand défi que doivent surmonter les réalisateurs de films d’opéra, comme Jérémie Cuvillier ** : « On ne filme pas un opéra comme un concert. Si le personnage décide de poser un filtre d’amour au moment où un autre personnage se met à chanter, il faut choisir: faire valoir l’action ou la musique. »

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Le réalisateur fait des choix, apporte son point de vue sur la production, sans oublier qu’un opéra est fait pour être vu par des spectateurs disposés d’une certaine manière dans la salle. Quelques années auparavant, certains réalisateurs comme Andy Sommer privilégiaient les cadres hors champs, c’est à dire filmer ce que le public ne peut pas voir en salle.

A cette époque, Jérémie Cuvillier assistait le metteur en scène et se souvient bien de ses intentions: « Je me mettais allongé dans les coulisses, dans des situations impossibles. C’était très excitant de jouer à l’aventurier pour chercher des choses que les spectateurs ne voient pas. » Il ajoute qu’aujourd’hui, cette tendance s’est effacée pour laisser place à plus de simplicité dans la manière de filmer car « il faut justifier de ramener à l’écran des choses qui ne se voient pas. » « Le plus beau c’est de rendre ce que le public voit car la mise en scène est faite pour ça », ajoute le réalisateur.

Le travail du réalisateur se situe entre sa propre interprétation de l’oeuvre et les intentions du metteur en scène. Intentions qui peuvent être très nombreuses chez certains metteurs en scène comme Laurent Pelly. « Il pense son opéra comme des vignettes de bande dessinée, comme un tableau », explique le réalisateur** Vincent Massip**, « il veut une vision frontale de son oeuvre et ne va pas cautionner que notre vision puisse dériver. Il souhaite que le rendu ressemble à ce qu’il a en tête. » D’autres metteur en scène comme **Olivier Py ** ou Adrian Noble, font une confiance presque aveugle dans le travail du réalisateur : « Ils nous laissent les mains libres », confie le cinéaste.

Les exigences du metteur en scène sont dictées en préproduction. Il rencontre le réalisateur pendant les première répétitions et peut avoir un droit de regard jusqu’à la postproduction, c’est à dire quand toutes les images sont prises et qu’il ne reste qu’à monter.

Pour que le dialogue puisse s’établir, le réalisateur arrive donc très tôt dans la production d’un opéra.** Vincent Massip** explique qu’il a besoin de ce temps d’adaptation :* « J’aime bien venir aux répétitions pendant une ou deux semaines pour m’imprégner du spectacle et toucher du doigt certains détails, pour voir les subtilités ».* Assister aux prémices de l’opéra permet aussi de se familiariser avec les chanteurs et le metteur en scène, ajoute le réalisateur : « Passer du temps dans la salle au moment de la création donne une légitimité à la présence du réalisateur ».

Une légitimité qui l’est importante d’acquérir, puisqu’au delà du metteur en scène, le chef d’orchestre et les chanteurs peuvent aussi émettre leur avis sur le travail du réalisateur. « Le chef d’orchestre va choisir les passages les mieux interprétés par exemple », explique** Vincent Massip**.

Les modifications dans le travail en postproduction sont envisageables, puisque le réalisateur créé son film à partir de plusieurs captations. La première se fait en plan large, souvent pendant la générale. Puis le réalisateur décide du nombre de captations qu’il va faire avant de rassembler toutes les images pour le montage de son DVD.

Mais le regard se pose avant le montage. Les deux réalisateurs interrogés sont unanimes sur le sujet. « J’écris tous mes plans avant de tourner et je me demande s’il y a un sens », avance Vincent Massip. Pour Jérémie Cuvillier, il y a un paramètre essentiel à prendre en compte avant de commencer : « Il faut être dedans, savoir ce qu’il se passe. Je suis incapable de filmer quelque chose que je ne comprends pas. »

Les difficultés du tournage

Pour lui, la discussion avec le metteur en scène est primordiale : *« Quand il a des intentions, même si souvent elles se voient, j’arrive toujours avec des questions sur les choses qu’il faudrait mettre en valeur. » * Ce travail peut s’avérer périlleux. Sur des mises en scène verticales, par exemple, le défi du réalisateur est d’arriver à filmer les personnages sans “couper des têtes”. Sur plusieurs niveaux, un plan serré sur un chanteur au premier niveau peut en effet “couper la tête” du chanteur qui sera au deuxième niveau.

« Sur le tournage, on passe notre temps à lutter contre les éléments. » **Vincent Massip ** énumère les principales difficultés de filmer un opéra en commençant par la lumière. Par exemple, dans la mise en scène d’Olivier Py de Tristan et Iseult de Wagner, l’opéra est plongé dans le noir. Le réalisateur *Andy Sommer ** a donc choisit de filmer avec des caméras infrarouges pour que l’on puisse distinguer l’action sur la scène. « C’était un choix complètement validé par Olivier Py »*, se souvient Jérémie Cuvillier, alors assistant sur la production.

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Dans les autres éléments difficiles à maîtriser, il y a évidemment le son. Pour cela, les réalisateurs font des captations sans caméras. Il y a aussi les problèmes de raccord. Jérémie Cuvillier ** se souvient d’un Hoffmann ** dans les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach, qui, sur une captation portait une écharpe rouge à un moment donné, mais pas sur la suivante. Le montage devient plus périlleux car s’il y a des problèmes de sons, plus difficilement récupérables.

Parmi les DVD d’opéras se distinguent les directs des films réalisés sur plusieurs captations. Pour les directs, le travail du réalisateur change un peu. Le direct ne laisse pas la place à l’improvisation, il faut que tout soit bien rodé avant la représentation. Sur place, le réalisateur coordonne son équipe : les cadreurs, le conseiller musical qui ne quitte pas des yeux la partition, et le script qui connaît le déroulé de l’opéra par coeur. Souvent, le réalisateur choisit les changements de caméras lui-même, parfois ce rôle peut être confié à une autre personne.

Comme au cinéma, le réalisateur sait parfaitement à l’avance ce qu’il veut rendre à l’image. Seulement, il ne peut prévoir les petits aléas de l’opéra, comme les couacs, les problèmes de costumes, de maquillage ou de perruques qui peuvent survenir. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle... la magie du direct.

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