L’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne (EUYO) joue sa survie

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L’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne (EUYO) joue sa survie

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Les musiciens de l'EUYO devant le Palais Garnier (Paris) / Guillaume Decalf, France Musique
Les musiciens de l'EUYO devant le Palais Garnier (Paris) / Guillaume Decalf, France Musique

Condamné à disparaître en septembre 2016 en raison d’une réforme des subventions européennes à la culture, l’EUYO - pour European Union Youth Orchestra – se mobilisait vendredi 20 mai dans toute l’Europe, et notamment devant le Palais Garnier à Paris.

On ne le connaît que trop peu en France, mais sa noble mission traverse les frontières : l’EUYO, pour European Union Youth Orchestra (en français, Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne), réunit chaque année, depuis presque 40 ans, de jeunes et talentueux musiciens issus de toute l’Union Européenne pour une série de concerts. Pourtant, sa prochaine tournée d’été (qui comporte notamment le concert d’inauguration de la présidence européenne de la Slovaquie) risque d’être la dernière, en raison d’une réforme du système des subventions européennes qui condamne l’orchestre à disparaître en septembre prochain.

Face à cette mort annoncée, l’orchestre ne se résigne pas. Fort du soutien de nombreuses personnalités du monde musical, comme Simon Rattle, l’EUYO a lancé une pétition et organisait, vendredi 20 mai 2016, un concert synchronisé dans 16 villes d’Europe dont Paris, sur le parvis de l’Opéra Garnier. Sous un ciel menaçant, une petite dizaine de musiciens se sont réunis pour jouer un extrait de l’Ode à la joie, dernier mouvement de la 9e symphonie de Beethoven et hymne de l’Union Européenne. Même s’il n’a jamais intégré l’EUYO, le jeune chef Christophe Dilys, venu les diriger, soutient pleinement la phalange fondée en 1976 à l’initiative du grand Claudio Abbado. Comme bon nombre des musiciens présents, Christophe Dilys se désole de cette situation : « C*’est toujours une question de gestion, de budget, il faut avoir une vision et aller plus loin que "qu’est ce qui est rentable, qu’est ce qui n’est pas rentable* ».

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Le chef Christophe Dily et le clarinettiste Benjamin Christ // Guillaume Decalf, France Musique
Le chef Christophe Dily et le clarinettiste Benjamin Christ // Guillaume Decalf, France Musique

Parmi les musiciens réunis devant le Palais Garnier, le clarinettiste de 26 ans, Benjamin Christ, défend l’EUYO avec passion. Il fait partie de l’orchestre depuis 5 ans, auditionnant chaque année pour participer à ses projets : les trois semaines pendant lesquelles les musiciens vivent ensemble et répètent, puis la tournée de concerts, en Europe mais aussi aux Etats-Unis et partout dans le monde. Si Benjamin Christ réitère l’aventure tous les ans, et ce alors qu’il mène aujourd’hui une carrière à l’Orchestre de la Garde Républicaine et qu’il joue dans d’autres formations, comme l’Orchestre philharmonique de Radio France, c’est parce qu’il trouve dans l’orchestre « une énorme ambiance d’amitié, de partage » avant d’ajouter : « Nous ne sommes pas payés, donc on vient tous pour la musique ».

Corniste à l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Julien Lucas ** a pour sa part passé deux ans à l’EUYO, en 2013 et 2014, et souligne lui aussi les valeurs de partage et d’amitié véhiculées par l’ensemble européen : « C’est une expérience assez incroyable, humainement et artistiquement. C’est une superbe idée de l’Europe que l’on devrait encourager, et non supprimer ». Comme la plupart des musiciens, Julien Lucas porte haut les couleurs de l’Europe : « Je suis Français mais je me sens aussi Européen, et en participant à cet orchestre (…) on montre l’Europe sous son meilleur jour ».

L’EUYO est un symbole fort de l’Union Européenne, l’orchestre est composé d’instrumentistes issus de 28 pays, aux langues et aux cultures différentes, et ces artistes doivent s’accorder pour faire émerger une voix unique : « On a tous nos cultures, nos manières de jouer, des écoles différentes, mais nous avons tous cette même volonté de se réunir, de se mettre ensemble pour aller vers un seul et même objectif » souligne Benjamin Christ.

Les altistes Mélinda Corgnet et Elodie Laurent / Guillaume Decalf, France Musique
Les altistes Mélinda Corgnet et Elodie Laurent / Guillaume Decalf, France Musique

Car jouer ensemble, c’est aussi apprendre des autres. **Mélinda Corgnet ** et Elodie Laurent sont toutes deux altistes en résidence à l’Académie de l’Opéra national de Paris, et vantent les mérites de l’EUYO. « C’est une rencontre humaine d’artistes de tous horizons, de toutes cultures, c’est un vrai brassage », témoigne Elodie Corgnet. « On découvre qu’on ne joue pas de la même manière dans tous les pays, même en Europe, même dans la musique classique. On ne joue pas de la même manière, on n’a pas la même esthétique sonore, pas la même esthétique d’intonation. L’EUYO nous permet d’échanger ces influences musicales », ajoute la musicienne.

L’échange, le partage, l’amitié… Ces valeurs de l’Orchestre des Jeunes de l’Union Européenne sont sur les lèvres de tous les musiciens présents. Des musiciens qui restent interdits face à la réforme du système des subventions qui privilégie aujourd’hui les projets, et non les institutions, provoquant la disparition de l’orchestre en septembre prochain. Ils jugent cette disparition d’autant plus « absurde » que, selon les mots du Président de la Commission Européenne Jean-Claude Junker, « l’EUYO reste l’un de nos plus distingués ambassadeurs… Un puissant symbole de notre Union Européenne ». Un « puissant symbole », certes, mais un symbole mourant. Sombre présage, à l’heure où tant de pays, et particulièrement le Royaume-Uni, interrogent leur adhésion à l’Union.

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